Dans un contexte économique des plus moroses, l’Égypte s’apprête à lancer un vaste plan de privatisation touchant jusqu’au cœur du pouvoir : l’armée. Le Premier ministre égyptien Mostafa Madbouly a en effet annoncé mercredi l’introduction prochaine en bourse de 3 à 4 entreprises appartenant aux forces armées, une mesure choc visant à attirer les investissements étrangers et à relancer une économie en berne.
Un plan de sauvetage financier sous pression du FMI
Cette décision intervient alors que le pays est sous pression pour privatiser les actifs de l’État, dans le cadre d’un programme de prêts de 8 milliards de dollars signé avec le Fonds monétaire international (FMI) en 2022. Une aide cruciale mais conditionnée à des réformes de libéralisation de l’économie, jugées indispensables par le FMI pour sortir l’Egypte de l’ornière.
D’après des sources proches du dossier, les introductions en bourse concerneront des sociétés opérant dans des secteurs stratégiques comme la banque, l’industrie, la pharmacie et l’investissement. Des domaines clés pour l’économie égyptienne, jusqu’ici largement contrôlés par l’armée et l’appareil d’État.
Une économie en crise, étouffée par la dette
Il faut dire que l’Egypte traverse l’une des pires crises économiques de son histoire. Confronté à une dette extérieure abyssale, qui a quadruplé depuis 2015 pour atteindre plus de 160 milliards de dollars, le pays a désespérément besoin de capitaux frais pour assainir ses finances et relancer la croissance.
Une situation aggravée par l’instabilité régionale et la perte drastique des revenus du canal de Suez, en raison des attaques de rebelles sur les navires en mer Rouge. Sans parler d’une inflation galopante, qui mine le pouvoir d’achat des Égyptiens et grève la confiance des investisseurs.
Des réformes économiques à marche forcée
Pour débloquer les fonds du FMI et rassurer les marchés, le gouvernement n’a donc d’autre choix que d’accélérer les réformes. Au menu : privatisations, fin des subventions, adoption d’un taux de change flexible… Des mesures douloureuses mais jugées incontournables pour remettre l’économie sur les rails.
Lors d’une récente visite au Caire, la patronne du FMI Kristalina Georgieva a salué « l’engagement et les actions entreprises par l’Égypte », tout en appelant à aller plus loin pour « uniformiser les règles du jeu et réduire l’empreinte de l’État dans l’économie ».
L’armée, un acteur économique de poids
L’ouverture du capital des entreprises militaires constitue donc un signal fort envoyé aux investisseurs. Car l’armée est un acteur économique majeur en Egypte, contrôlant de larges pans de l’industrie, des services, de l’immobilier… Un empire opaque, bâti sous la protection du pouvoir et à l’abri de la concurrence.
En acceptant de jouer le jeu de la bourse et des marchés, l’institution militaire fait un pas symbolique vers plus de transparence et de mise en compétition de ses activités. Même si beaucoup reste à faire pour casser les monopoles et instaurer une vraie économie de marché.
Un pari risqué mais nécessaire
Pour le pouvoir égyptien, cette entrée en bourse de l’armée est un pari risqué politiquement. Au sein de l’appareil militaire, certains pourraient s’inquiéter d’une perte de contrôle et de souveraineté économique. Et la population pourrait vivre comme un camouflet la vente de ces « bijoux de famille ».
Mais c’est un sacrifice jugé nécessaire pour restaurer la confiance des investisseurs et remettre l’économie à flot. Si les réformes sont menées à bien et permettent de libérer les énergies, l’Egypte espère redevenir une terre d’opportunités pour les capitaux internationaux et retrouver le chemin d’une croissance durable et inclusive. Un chemin semé d’embûches, mais vital pour l’avenir du pays.