En cette période pré-électorale, le pluralisme dans les médias est plus que jamais sous surveillance. C’est dans ce contexte que l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, vient d’adresser un courrier à Europe 1 lui rappelant ses obligations en la matière. En cause : le lancement lundi dernier d’une émission quotidienne animée par le très clivant Cyril Hanouna, figure emblématique de C8, chaîne du groupe de Vincent Bolloré qui a récemment pris le contrôle de la radio.
Une émission à fort potentiel polémique
Baptisée “On marche sur la tête”, la nouvelle émission de Cyril Hanouna sur Europe 1 est diffusée chaque jour de 16h à 18h, à quelques semaines seulement des élections législatives des 12 et 19 juin prochains. Un timing qui n’a pas manqué d’alerter l’Arcom, chargée de veiller au respect du pluralisme sur les ondes, en particulier en période électorale.
Et pour cause, l’animateur vedette est coutumier des dérapages et prises de position tranchées. Ses émissions sur C8 ont d’ailleurs valu à la chaîne de nombreuses sanctions de la part du régulateur, pour un montant total de 7,5 millions d’euros. Un passif qui incite l’Arcom à la plus grande vigilance quant à ses débuts sur Europe 1.
L’Arcom exige des “mesures” de la part d’Europe 1
Dans son courrier, que l’AFP a pu consulter, l’Autorité demande à la station de lui faire connaître “dans les plus brefs délais les mesures” qu’elle compte mettre en œuvre pour garantir le respect de ses obligations. Des obligations qui découlent notamment d’une décision récente du Conseil d’État enjoignant le régulateur à renforcer son contrôle du pluralisme, en particulier sur CNews, autre média de la galaxie Bolloré.
Europe 1 doit veiller «strictement» à «assurer une pluralité de points de vue dans les émissions de débats», écrit l’Arcom.
Extrait du courrier de l’Arcom à Europe 1
Plus globalement, la radio est sommée de se conformer à “l’exigence de pluralisme de l’information” et de “traiter avec mesure et honnêteté l’actualité électorale”. Autant de principes déontologiques qui semblent menacés, aux yeux de nombreux observateurs, par l’arrivée de Cyril Hanouna et sa ligne éditoriale jugée complaisante envers l’extrême droite.
Un premier numéro déjà dans le viseur
De fait, le régulateur a d’ores et déjà été saisi concernant le premier numéro de l’émission diffusé lundi. Étaient invités sur le plateau le polémiste Éric Zemmour, président du parti d’extrême droite Reconquête!, l’ex-Premier ministre Manuel Valls, l’eurodéputé RN Mathieu Vallet et le maire de Béziers Robert Ménard, proche de Marine Le Pen.
Un “plateau” qui illustre, pour certains, le manque criant de pluralisme et la surreprésentation des idées d’extrême droite dénoncés par les détracteurs de Vincent Bolloré. Des critiques qui font écho à celles visant CNews, régulièrement épinglée pour ses dérives idéologiques.
L’ombre de Bolloré plane sur Europe 1
Au-delà du cas Hanouna, c’est bien la mainmise du milliardaire breton sur Europe 1 qui inquiète. Depuis son rachat par le groupe Lagardère, lui-même contrôlé par Vivendi de Vincent Bolloré, la station connait une vague de départs et un changement de ligne éditoriale qui ne sont pas sans rappeler le virage droitier de CNews.
Malgré les dénégations de la direction, qui assure que la radio conservera son “identité”, beaucoup redoutent qu’Europe 1 ne devienne une simple caisse de résonance des obsessions de son propriétaire, comme l’est devenu le canal 16 de la TNT. Un scénario cauchemardesque pour ce média historique qui a bâti sa réputation sur son indépendance et son professionnalisme.
Une régulation renforcée à prévoir
Face aux craintes suscitées par l’arrivée de Vincent Bolloré aux manettes, l’Arcom se veut vigilante. Avant même le courrier adressé à Europe 1, l’autorité avait fait savoir qu’elle comptait muscler son dispositif de contrôle du pluralisme, conformément aux injonctions du Conseil d’État.
Si les contours exacts de ce nouveau système restent à définir, il devrait permettre un monitoring plus fin et régulier des médias audiovisuels, afin de déceler rapidement d’éventuelles dérives. Une perspective qui a de quoi inquiéter les détracteurs de la “méthode Bolloré”, mais rassurer les défenseurs d’une information libre et pluraliste, plus que jamais menacée.