Imaginez la scène : il est 18 heures, l’émission est quasiment bouclée, les bande-annonces tournent déjà sur les réseaux… et soudain, ordre tombe depuis la direction : coupez, supprimez, remontez en urgence. Ce n’est pas un scénario de série politique, c’est ce qui s’est produit ce 27 novembre 2025 à France 2, quelques heures avant la diffusion d’un Complément d’enquête censé démonter le prétendu « grand contournement » du pluralisme sur CNews.
L’Arcom met fin au suspense : aucun contournement constaté
Le déclencheur ? Une simple réponse du régulateur de l’audiovisuel à des journalistes. Interrogée sur le rapport très médiatisé de Reporters sans frontières, l’autorité compétente a été limpide : en mars 2025, aucun manquement aux règles de pluralisme n’a été détecté sur la chaîne d’information. Point final.
Et l’Arcom ne s’est pas contentée d’un « rien à signaler ». Elle a carrément pulvérisé l’accusation principale, celle du prétendu trucage des temps de parole la nuit pour échapper aux compteurs officiels. « S’il y avait eu contournement, nous l’aurions vu et nous serions intervenus », a-t-elle asséné. En clair : l’histoire ne tient pas.
Une accusation centrale qui s’effondre
Reprenons depuis le début. L’enquête de Reporters sans frontières, largement relayée, affirmait que CNews profitait des tranches horaires nocturnes pour faire intervenir massivement des personnalités politiques de droite sans que cela ne compte réellement dans les temps de parole officiels. Une sorte de faille juridique exploitée à grande échelle.
Sauf que le régulateur, qui surveille précisément ces données mois par mois, année après année, n’a rien vu de tel. Pas l’ombre d’un début de commencement de contournement. Les chiffres sont là, les grilles analysées, les sanctions prêtes à tomber en cas d’infraction… et pourtant, rien.
Ce n’est pas une opinion. C’est le constat technique et juridique de l’institution chargée de faire respecter la loi.
« Il n’y a pas de contournements de nos règles de pluralisme sur le mois de mars 2025 et s’il y en avait eu, on les aurait identifiés et on serait intervenus. Quand ces règles sont contournées, on le voit et on intervient. »
Le gendarme de l’audiovisuel, catégorique
Panique à France Télévisions : le montage saboté en quelques heures
Quand cette réponse tombe, c’est la stupeur. L’émission Complément d’enquête avait repris très largement les conclusions du rapport RSF. Des graphiques, des témoignages, des calculs savants… tout reposait sur cette accusation de contournement nocturne.
Résultat : ordre est donné de tout démonter. La séquence entière sur les interventions politiques entre minuit et 6 heures du matin doit disparaître. Des journalistes racontent des réunions de crise, des monteurs rappelés en urgence, des responsables qui se renvoient la balle.
Une décision « extrêmement rare », selon les termes mêmes des observateurs internes. Couper un reportage entier quelques heures avant diffusion, cela ne se produit quasiment jamais dans l’histoire récente du service public.
En clair : une émission censée révéler un scandale se retrouve elle-même amputée d’un de ses piliers parce que l’autorité compétente vient de dire que le scandale… n’existe pas.
Pourquoi cette affaire révèle un problème plus profond
Derrière l’anecdote, il y a une question de méthode. Comment une organisation internationale aussi respectable que Reporters sans frontières a-t-elle pu publier un rapport aussi fragile sur le plan factuel ? Comment une émission d’investigation du service public a-t-elle pu le reprendre sans vérification croisée auprès du régulateur ?
La réponse est peut-être dans le climat ambiant. Depuis plusieurs années, CNews cristallise les passions. Chaîne leader des audiences d’information en continu, elle dérange. On lui reproche son positionnement éditorial assumé à droite, ses animateurs stars, son succès populaire.
Mais le succès n’est pas un délit. Et le pluralisme ne se mesure pas à l’aune de ce que l’on pense des opinions exprimées, mais à des règles précises, connues de tous, appliquées par une autorité indépendante.
Le pluralisme, comment ça marche vraiment ?
Petit rappel pour ceux qui auraient oublié : en France, le temps de parole des personnalités politiques est strictement encadré sur les chaînes d’information. Chaque intervention est comptabilisée, mois par mois. Les données sont publiques. L’Arcom publie des tableaux, des graphiques, des mises en demeure si nécessaire.
L’idée du « contournement nocturne » reposait sur un postulat : les interventions après minuit ne compteraient pas ou peu. Sauf que c’est faux. Toutes les heures comptent. 3 heures du matin ou 20 heures, même combat. Le régulateur regarde tout.
Et quand on regarde les chiffres officiels publiés par l’Arcom elle-même pour mars 2025, on voit… exactement ce qu’elle dit : rien d’anormal.
Les précédents : quand l’Arcom sanctionne vraiment
Pour mesurer l’ampleur du fiasco, il suffit de regarder les fois où le régulateur a réellement tapé du poing. Mises en demeure, amendes, injonctions… quand il y a dérapage, l’Arcom ne se gêne pas. Récemment encore, plusieurs chaînes ont été rappelées à l’ordre.
Mais pour CNews en mars 2025 ? Rien. Zéro ligne. Silence radio. Parce qu’il n’y avait rien à dire.
Quand le chien n’aboie pas, c’est qu’il n’y a pas de voleur.
Conséquences : crédibilité en berne
Cette affaire laisse des traces. D’abord pour l’émission Complément d’enquête, qui passe pour avoir diffusé (ou failli diffuser) une enquête bancale. Ensuite pour le rapport initial, dont la méthodologie est désormais ouvertement remise en cause.
Et surtout, elle pose une question dérangeante : pourquoi tant d’énergie dépensée pour démontrer un dysfonctionnement… qui n’existe pas selon l’institution même chargée de le constater ?
Dans un paysage médiatique déjà polarisé, ce genre d’épisode alimente la défiance. Le public n’est pas dupe. Quand on lui promet un scandale retentissant et que le gendarme dit « circulez, il n’y a rien à voir », la douche est froide.
Et maintenant ?
L’émission a été diffusée, amputée de sa partie la plus explosive. Le rapport continue de circuler, mais avec une énorme ombre dessus. L’Arcom, elle, reste droite dans ses bottes : ses chiffres parlent, ses méthodes sont rodées, ses décisions font foi.
Quant au débat sur le pluralisme, il est légitime. Indispensable même. Mais il mérite mieux que des accusations sans fondement vérifié. Il mérite des faits. Des chiffres. Des sources croisées.
Ce 27 novembre 2025, le régulateur audiovisuel a rappelé une chose simple : en matière de pluralisme, c’est lui qui tranche. Et quand il dit « non », c’est non.
Résumons les faits en quelques points :
- Mars 2025 : aucun manquement au pluralisme constaté sur CNews par l’Arcom
- Accusation de contournement nocturne balayée par le régulateur
- Réponse officielle de l’Arcom publiée dans la journée du 27 novembre
- France 2 ordonne la suppression en urgence de la séquence concernée
- Émission diffusée amputée d’une de ses parties principales
Des faits. Rien que des faits.
Le pluralisme n’est pas une opinion. C’est une règle. Et tant que l’autorité compétente dit qu’elle est respectée, le débat, aussi passionné soit-il, doit s’appuyer sur autre chose que des suppositions.
Au final, cette journée du 27 novembre 2025 restera comme celle où une enquête très médiatisée s’est pris les pieds dans le tapis de la réalité réglementaire. Et où le service public, en catastrophe, a dû reconnaître – par le silence d’un montage amputé – que parfois, la vérité est plus nuancée que le story-telling.









