Larbi Ben M’hidi, affectueusement surnommé le “Jean Moulin algérien” par ses compatriotes, fut l’une des figures de proue de la guerre d’indépendance d’Algérie contre la France. Héros national pour les Algériens et l’un des six dirigeants historiques du Front de Libération Nationale (FLN) à l’origine de l’insurrection du 1er novembre 1954, son destin tragique et son assassinat par l’armée française en 1957 ont marqué l’histoire. Retour sur le parcours de cet homme de conviction qui a marqué la lutte pour l’indépendance de l’Algérie.
Un militant engagé dès son plus jeune âge
Né en 1923 près d’Aïn M’lila dans les Aurès, au nord-est de l’Algérie, Larbi Ben M’hidi s’intéresse très tôt à la politique. Comme le raconte sa sœur Drifa, il était un jeune homme aux multiples talents, chef scout, footballeur à l’Union Sportive de Biskra et passionné de théâtre. Mais par-dessus tout, il avait “une conscience politique exacerbée“.
Dès l’âge de 17 ans, Ben M’hidi participe activement aux manifestations de mai 1945 réclamant l’indépendance de l’Algérie. Arrêté et emprisonné à Constantine, il adhère rapidement après sa libération au Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD), s’engageant corps et âme dans la lutte pour l’émancipation de son pays.
De l’insurrection à la « Bataille d’Alger »
Juillet 1954 marque un tournant dans le parcours militant de Larbi Ben M’hidi. Il fait partie des 22 militants indépendantistes qui décident du passage à l’insurrection armée contre le pouvoir colonial français. Choisi pour devenir l’un des six chefs historiques du FLN, il est au cœur du déclenchement de la guerre d’indépendance le 1er novembre 1954.
En août 1956, Ben M’hidi franchit une étape supplémentaire en présidant le “Congrès de la Soummam”, dans le maquis de Kabylie. Cette réunion cruciale permet de doter le FLN de véritables structures politiques et militaires pour mener à bien la révolution.
Mais c’est au début de l’année 1957, en pleine “Bataille d’Alger”, que le destin de Larbi Ben M’hidi bascule. Face aux attentats à la bombe revendiqués par le FLN qui ensanglantent la capitale, l’armée française, sous le commandement du général Massu, se lance dans une répression sans merci. Les parachutistes quadrillent la ville jour et nuit, multiplient les arrestations. Le 23 février, Ben M’hidi tombe dans les filets du régiment du colonel Bigeard. Malgré les photos où on le voit menotté, exhibé devant la presse, l’homme garde sa dignité et son sourire serein face à ses geôliers.
Un assassinat maquillé en suicide
Mais dans la nuit du 3 au 4 mars 1957, celui que l’on surnomme aussi “El Hakim” (“Le Sage”) est emmené dans une ferme isolée au sud d’Alger. C’est là qu’il sera froidement exécuté, à l’âge de 34 ans. Pendant longtemps, les autorités françaises feront croire à un suicide. Il faudra attendre 2001 et les aveux du général Aussaresses dans son livre “Services Spéciaux, Algérie 1955-1957” pour que la vérité éclate au grand jour :
Nous avons isolé le prisonnier dans une pièce déjà prête. (…) Avec l’aide de mes gradés, nous avons pendu Ben M’hidi, d’une manière qui puisse faire penser à un suicide.
Général Paul Aussaresses
Ces révélations susciteront un véritable scandale en France. Les sœurs de Ben M’hidi porteront plainte, mais la justice rejettera toute possibilité de poursuivre Aussaresses, notamment à cause de la loi d’amnistie de 1968 sur les crimes commis pendant la guerre d’Algérie.
Un héros national algérien qui a forcé le respect
Plus de 60 ans après sa mort, Larbi Ben M’hidi reste une figure iconique et un héros national en Algérie. Son courage, sa détermination et son intelligence ont marqué ses compagnons de lutte mais aussi, paradoxalement, certains de ses adversaires. Le général Bigeard lui-même avouera des années plus tard avoir été malade en apprenant son exécution, lui qui avait été impressionné par le charisme du révolutionnaire lors de son arrestation.
Quand on se bat contre un ennemi de valeur, il naît souvent une camaraderie bien plus forte qu’avec les cons qui nous entourent. Si je reviens à l’impression qu’il m’a faite, à l’époque où je l’ai capturé, et toutes les nuits où nous avons parlé ensemble, j’aurais aimé avoir un patron comme ça de mon côté (…). Parce que c’était un seigneur Ben M’hidi.
Général Marcel Bigeard
Aujourd’hui encore, celui que l’on surnommait “Le Sage” demeure un symbole et une source d’inspiration pour de nombreux Algériens. De multiples lieux et édifices portent son nom à travers le pays, pour ne jamais oublier son sacrifice et son rôle déterminant dans l’accession de l’Algérie à l’indépendance après 132 ans de colonisation française. Plus de six décennies après sa disparition tragique, l’ombre de Larbi Ben M’hidi plane toujours sur l’Algérie et son histoire tourmentée.