Face à l’urgence climatique, l’Arabie saoudite se tourne vers les innovations vertes pour verdir ses étendues désertiques. Le royaume mise sur une combinaison de technologies de pointe, d’agriculture et de gestion de l’eau pour relever le défi de la désertification. Mais entre promesses technologiques ambitieuses et accusations de greenwashing, la véritable épreuve pour les start-up saoudiennes sera de transformer des projets pilotes en solutions durables et à grande échelle.
L’Arabie saoudite, terre d’investissements verts
Selon un rapport de PwC, près de 75% des investissements du Moyen-Orient dans les start-up de technologies climatiques à l’échelle mondiale proviennent d’Arabie saoudite. Le royaume est déterminé à diversifier son économie pour se préparer à un potentiel après-pétrole, tout en répondant à la crise climatique.
En 2023, les investissements saoudiens dans les start-up se sont principalement concentrés sur le secteur de l’énergie (363 millions de dollars), suivi par l’alimentation, l’agriculture et l’utilisation des terres (39 millions de dollars).
Des stations d’épuration innovantes
Parmi les projets phares figure une station d’épuration développée à la King Abdullah University of Science and Technology (KAUST). Sous la direction de la professeure Peiying Hong, cette station utilise des micro-organismes anaérobies pour transformer le carbone organique en méthane, collecté sous forme de biogaz. L’eau filtrée peut ensuite être utilisée pour cultiver des micro-algues destinées à nourrir le bétail ou pour irriguer des plantes et des arbres afin de lutter contre la désertification.
L’ambitieuse « Initiative verte du Moyen-Orient »
L’Arabie saoudite s’est fixé pour objectif de planter dix milliards d’arbres et de réhabiliter 74 millions d’hectares de terres, soit une surface plus grande que la France. Pour concrétiser ces ambitions, une gestion efficace des ressources en eau et des sols est primordiale.
Le professeur Himanshu Mishra et son équipe de l’université KAUST ont développé un produit capable de transformer le sable en sol fertile en l’enrichissant de fumier de poulet optimisé. Cette ressource abondante et sous-utilisée en Arabie saoudite agit comme une éponge pour retenir les nutriments et l’eau, tout en favorisant la biodiversité microbienne nécessaire au développement des plantes.
Des défis de taille pour les start-up vertes
Malgré ces innovations prometteuses, le déploiement à grande échelle nécessite des financements conséquents. Selon Mme Hong, les investissements en capital-risque sont cruciaux. John Robinson, investisseur spécialisé dans la gestion de l’eau, admet que la levée de fonds reste un défi pour ces start-up, bien que certaines parviennent à attirer des investisseurs privés.
Entre ambitions écologiques et dépendance aux hydrocarbures
Les efforts environnementaux de l’Arabie saoudite coexistent avec sa défense acharnée du pétrole. Au-delà de la lutte contre la désertification, le royaume mise sur des technologies telles que la capture du carbone et la production d’hydrogène dans le cadre d’une « économie circulaire du carbone ». Cette approche lui permettrait de maintenir, voire d’augmenter sa production d’hydrocarbures.
Certains critiques considèrent ces initiatives comme du greenwashing, affirmant qu’elles offrent des bénéfices environnementaux limités tout en permettant de continuer à investir dans les combustibles fossiles. L’ONG European Centre for Democracy and Human Rights a ainsi déclaré en mai 2024 que « l’Initiative verte saoudienne vise à masquer la dépendance du pays aux énergies fossiles ».
L’Arabie saoudite, futur leader de l’innovation verte ?
Malgré ces réserves, l’Arabie saoudite dispose des capitaux et des ressources nécessaires pour devenir un poids lourd régional de l’innovation verte dans la perspective d’un après-pétrole. Comme le souligne M. Mishra, en vendant son terreau carboné fait à partir de déchets locaux, le royaume pourrait non seulement exporter le produit, mais aussi sa technologie.
La réussite des start-up saoudiennes dans le domaine des technologies vertes sera déterminante pour relever le défi climatique et assurer un avenir durable au royaume. Entre promesses technologiques et accusations de greenwashing, la transformation des projets pilotes en solutions durables à grande échelle s’annonce comme un véritable tour de force.