En ce début d’année 2025, l’Arabie Saoudite fait à nouveau parler d’elle pour sa politique de lutte contre le trafic de drogue d’une sévérité sans précédent. Selon une source proche du dossier, le royaume wahhabite aurait exécuté pas moins de 6 ressortissants iraniens condamnés à mort pour avoir introduit clandestinement d’importantes quantités de haschich sur le territoire saoudien. Un nouveau record macabre pour le pays, déjà pointé du doigt par les défenseurs des droits de l’Homme pour son recours massif à la peine capitale.
Le nombre d’exécutions atteint des sommets en Arabie Saoudite
Avec ces 6 nouvelles exécutions, qui porteraient à 338 le nombre total de mises à mort dans le royaume pour la seule année 2024, l’Arabie Saoudite semble plus déterminée que jamais à mener une guerre sans merci contre le trafic de stupéfiants. Une politique répressive qui tranche avec les efforts de modernisation et d’ouverture affichés ces dernières années par le prince héritier Mohammed Ben Salmane, artisan de la vision 2030 censée donner un nouveau visage au pays.
Mais dans les faits, le recours à la peine de mort, notamment pour les affaires de drogue, n’a cessé de s’intensifier depuis l’accession au trône du roi Salmane en 2015. Selon l’ONG Amnesty International, l’Arabie Saoudite figure désormais dans le top 3 mondial des pays procédant au plus grand nombre d’exécutions, derrière la Chine et l’Iran. Un bien triste record pour le royaume, qui applique à la lettre la charia, la loi islamique, malgré les appels à la clémence répétés de la communauté internationale.
Une sévérité accrue envers les trafiquants étrangers
La nationalité des six condamnés exécutés, tous Iraniens, soulève également des questions sur un possible durcissement de Riyad vis-à-vis des trafiquants étrangers. Les relations entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, son grand rival régional, n’ont cessé de se dégrader ces dernières années sur fond de guerre par procuration au Yémen et de lutte d’influence au Moyen-Orient.
Certains observateurs y voient un message clair envoyé par le royaume à l’Iran, accusé de fermer les yeux sur les réseaux de contrebande qui utilisent son territoire comme base arrière. Une manière pour Riyad de mettre la pression sur Téhéran, tout en affichant sa détermination à lutter contre un fléau qui gangrène la jeunesse saoudienne.
L’Arabie Saoudite est déterminée à protéger sa société des méfaits de la drogue, par tous les moyens nécessaires, y compris le recours à la peine de mort.
– Un porte-parole du ministère saoudien de l’Intérieur
Les limites de la politique de modernisation saoudienne
Mais si la lutte contre le trafic de drogue est un objectif louable, la méthode employée par l’Arabie Saoudite pose question. Le recours massif et expéditif à la peine capitale, souvent au terme de procès inéquitables où les droits de la défense sont bafoués, est unanimement condamné par les organisations de défense des droits humains.
Malgré les timides réformes engagées ces dernières années, comme l’assouplissement de la tutelle masculine ou l’ouverture du pays au tourisme, le royaume reste profondément conservateur sur le plan des libertés fondamentales et de l’état de droit. Un contraste saisissant avec l’image de modernité et d’ouverture que cherche à renvoyer Mohammed Ben Salmane, le tout puissant homme fort du pays.
En continuant à appliquer une justice expéditive et sanguinaire, au mépris des principes les plus élémentaires des droits de l’Homme, l’Arabie Saoudite risque de saper ses efforts de normalisation sur la scène internationale. Et de donner des arguments à ceux qui dénoncent l’hypocrisie d’un régime prêt à toutes les compromissions pour asseoir son pouvoir et ses ambitions.
Une efficacité discutable sur le long terme
Reste à savoir si cette politique ultra-répressive est réellement efficace pour endiguer sur le long terme le fléau du trafic de drogue. De nombreux experts pointent au contraire le risque d’un effet contre-productif, la menace d’une condamnation à mort poussant les trafiquants à la surenchère de violence et de dissimulation.
Plutôt que de miser sur la manière forte, avec des résultats plus que discutables, l’Arabie Saoudite gagnerait sans doute à s’attaquer aux racines du mal en investissant massivement dans la prévention, le traitement et la réinsertion des toxicomanes. Un véritable défi dans une société corsetée par les tabous et une vision souvent punitive de la lutte anti-drogue.
En attendant, le ballet macabre des exécutions semble parti pour se poursuivre dans le royaume saoudien, au grand dam des organisations humanitaires et d’une opinion publique internationale de plus en plus critique. L’Arabie Saoudite réussira-t-elle sur le long terme son pari d’une modernisation à marche forcée sans remise en cause de ses fondamentaux les plus rigoristes ? Rien n’est moins sûr au vu du chemin qui reste à parcourir, notamment en matière de droits humains et d’état de droit.
Une chose est sûre : les familles des six Iraniens sommairement exécutés en ce début d’année 2025 garderont à jamais en travers de la gorge l’image d’un pays prompt à actionner sans état d’âme le couperet de la justice, quitte à bafouer les principes élémentaires d’équité et d’humanité. À l’heure du village planétaire et des réseaux sociaux, nul doute qu’une telle posture aura une incidence durable sur la réputation d’un royaume saoudien qui se rêve en parangon de vertu mais agit trop souvent comme un colosse aux pieds d’argile. Un cas d’école des limites et des contradictions d’une modernisation sous contrôle, dans un Moyen-Orient plus que jamais tiraillé entre conservatisme et soif de changement.