Il y a des phrases qui restent gravées. Des phrases toutes simples, prononcées avec la sincérité brutale de l’adolescence, et qui pourtant déclenchent des tempêtes. Quand Lamine Yamal a déclaré calmement : « Au fond de moi, j’ai envisagé de jouer pour le Maroc, mais j’ai toujours voulu jouer l’Euro », il ne se doutait peut-être pas qu’il venait de résumer, en une seule respiration, toute la complexité du football moderne.
Un choix qui dépasse le simple drapeau
Né à Mataró, en Catalogne. Père marocain, mère équato-guinéenne. Grandi dans le quartier rocailleux de Rocafonda. Lamine Yamal aurait pu incarner le rêve marocain : celui d’un gamin des diasporas qui revient porter le maillot des Lions de l’Atlas et fait vibrer tout un royaume. Il aurait pu, comme Hakimi, Ziyech ou tant d’autres, choisir le pays d’origine de son père et écrire une belle histoire d’amour filial.
Mais non.
À 18 ans à peine, le prodige du FC Barcelone a préféré la froide rationalité du rêve sportif. L’Euro. Le tournoi qu’il regardait enfant à la télé. Celui que l’Espagne a remporté en 2024 avec lui sur l’aile, déjà décisif à 16 ans. Ce choix, il l’assume totalement. Et il le dit sans filtre.
« J’ai toujours voulu jouer l’Euro » : la phrase qui fait mal
Reprenons ses mots exacts, prononcés dans l’émission américaine 60 Minutes Overtime :
« Malgré tout l’amour et le respect que j’ai pour le Maroc, j’ai toujours voulu jouer l’Euro. »
Cette phrase est un uppercut. Pas parce qu’elle est agressive. Au contraire, elle est dite avec calme, presque avec tendresse. Mais elle révèle une vérité crue : pour la génération Yamal, le prestige d’une compétition peut parfois peser plus lourd que l’appel du sang.
L’Euro, c’est le tournoi des géants historiques. C’est Berlin, Wembley, Munich. C’est jouer contre les Mbappé, Bellingham, Haaland (bientôt). La CAN, aussi belle et intense soit-elle, reste perçue – à tort ou à raison – comme un cran en dessous dans l’imaginaire collectif européen.
Et Yamal, qui vit en Europe, qui a été formé à La Masia depuis ses 7 ans, qui a goûté à la Ligue des Champions à 16 ans, voit le football avec les yeux d’un gamin d’ici. Pas d’ailleurs.
Le Maroc avait pourtant tout tenté
Il faut le rappeler : la Fédération marocaine n’est pas restée les bras croisés. Walid Regragui en personne s’est déplacé plusieurs fois. Des légendes comme Mehdi Benatia ont appelé le jeune homme. On lui a promis un rôle central, un statut de star immédiate, le brassard dans quelques années.
Mais le cœur de Lamine battait déjà en rouge et jaune.
Dès ses 15 ans, il avait choisi les catégories jeunes de la Roja. Il a disputé l’Euro U17, puis l’Euro avec les A à 16 ans et 11 mois – record de précocité pulvérisé. Chaque étape l’éloignait un peu plus du Maroc. Et quand l’Espagne l’a appelé pour l’Euro 2024, il n’y avait plus de retour en arrière possible.
Et maintenant, il voit déjà la Coupe du Monde 2026
Le plus impressionnant ? Sa confiance aveugle dans le projet espagnol.
Interrogé sur les chances de la Roja au Mondial 2026, il répond sans hésiter :
« Oui, l’Espagne va gagner. »
Pas « on a une chance », pas « on va essayer ». Non. L’Espagne va gagner. Point final.
À 18 ans, après avoir déjà remporté l’Euro, il se projette comme si c’était une évidence. Pedri, Gavi, lui, Rodri, Morata… Cette génération dorée espagnole semble avoir la même certitude tranquille que celle de 2010. Et Yamal en est le porte-étendard.
La célébrité à 18 ans : « J’aime bien être une star »
L’autre partie de l’interview est plus légère, presque touchante.
On lui parle de sa célébrité fulgurante. Des millions de followers. Des marques qui se battent pour lui. Des fans qui l’attendent devant chez lui.
Sa réponse est désarmante de franchise :
« En fait, j’aime bien être une star. »
Il avoue quand même que c’est parfois lourd. Qu’il ne peut plus aller au cinéma tranquille, ni manger une glace sans se faire prendre en photo. Mais globalement, il kiffe.
Et comment lui en vouloir ? À son âge, beaucoup rêvent de ça. Lui, il le vit. Déjà.
Un choix qui divise… et c’est normal
Évidemment, ses déclarations ont fait réagir. Fort.
Certains saluent sa transparence : il n’a pas menti, il n’a pas joué la carte diplomatique. Il a dit ce qu’il ressentait vraiment.
D’autres, au Maroc notamment, y voient une forme de trahison. Ou pire : le symptôme d’une jeunesse déconnectée de ses racines.
Mais au fond, qui a tort, qui a raison ?
Personne.
Lamine Yamal n’a pas renié ses origines. Il a simplement suivi son rêve d’enfant. Celui de jouer les plus grandes compétitions, sous les projecteurs les plus puissants. Et aujourd’hui, il assume.
Comme Achraf Hakimi a choisi le Maroc par passion. Comme Kylian Mbappé a choisi la France plutôt que le Cameroun ou l’Algérie. Comme tant d’autres avant lui.
Le football moderne est ainsi fait. Les doubles nationalités existent. Les choix sont cornéliens. Et parfois, ils font mal.
Et demain ?
Demain, Lamine Yamal sera probablement l’un des meilleurs joueurs du monde. Peut-être même le Ballon d’Or un jour.
Il portera le maillot de l’Espagne jusqu’à la fin, très probablement. Il soulèvera peut-être la Coupe du Monde en 2026, comme il le prédit avec tant d’assurance.
Et quelque part, au Maroc, certains garderont une petite pointe au cœur à chaque fois qu’il marquera sous ce maillot rouge.
C’est le prix du talent.
C’est le prix de la liberté de choisir.
Et Lamine Yamal, à seulement 18 ans, a déjà choisi son destin.
Avec une seule certitude : il jouera les plus grands matchs. Sous les plus grands projecteurs.
Le reste… appartient à l’histoire.









