Une ombre plane sur la démocratie américaine à l’aube de l’investiture de Donald Trump… c’est en tout cas ce que laisse entendre un câble diplomatique confidentiel rédigé par l’ambassadeur d’Allemagne à Washington, Andreas Michaelis. Une note interne alarmiste dévoilée ce dimanche par le quotidien Bild et qui suscite d’ores et déjà l’inquiétude outre-Rhin.
Un ambassadeur qui sort des codes diplomatiques
Envoyé mardi dernier à la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock, ce document interne voit Andreas Michaelis se départir du langage policé habituel de la diplomatie. Celui qui fut il y a plus de 20 ans porte-parole du premier ministre allemand « vert » Joschka Fischer n’y va pas par quatre chemins quand il s’agit de décrire le nouveau président américain :
Donald Trump est animé par des « envies de vengeance » et pourrait se diriger vers une « concentration maximale des pouvoirs » au détriment du Congrès et des États fédérés.
Andreas Michaelis, Ambassadeur d’Allemagne aux USA
Selon lui, le magnat de l’immobilier récemment élu à la Maison Blanche s’apprête à mettre en place une véritable « stratégie de disruption maximale » pour « redéfinir l’ordre constitutionnel » des États-Unis. Une perspective qui met en danger les fondements mêmes de la démocratie américaine :
Les principes démocratiques fondamentaux des États-Unis pourraient être largement sapés par cette pratique du pouvoir.
Andreas Michaelis, Ambassadeur d’Allemagne aux USA
Menaces de déportations massives et contrôle de la justice
Dans son analyse glaçante, l’ambassadeur de 65 ans pointe aussi du doigt les menaces de « déportations de masse » d’étrangers brandies par Donald Trump durant sa campagne. Il s’inquiète également de la volonté affichée par le nouveau président de contrôler les enquêtes judiciaires en plaçant des alliés à des postes-clés de l’appareil d’État. Une dérive autoritaire en puissance…
Liberté d’expression et droits des minorités en danger ?
Autre sujet d’alarme pour Andreas Michaelis : le risque de voir la liberté d’expression et les droits des minorités restreints sous la présidence Trump. Il voit notamment d’un mauvais œil l’alliance entre Donald Trump et le milliardaire Elon Musk, pourtant d’origine sud-africaine. Le PDG de Tesla et SpaceX, fervent soutien du républicain durant la campagne, pourrait selon lui contribuer à museler les médias et les voix dissidentes.
Le gouvernement allemand cherche à rassurer
Face à la polémique naissante suscitée par cette fuite dans la presse, le ministère des Affaires Étrangères allemand s’est voulu rassurant ce dimanche. Dans un communiqué, il a rappelé que les États-Unis restaient « l’un des alliés les plus importants de l’Allemagne et de l’Europe » et qu’il s’agirait d’entretenir une « étroite collaboration » avec la nouvelle administration américaine. Tout en reconnaissant que « les premiers signes ne sont pas encourageants… »
Reste que la publication de ce câble diplomatique tombe au plus mal pour Berlin, à la veille de l’investiture de Donald Trump. C’est justement Andreas Michaelis en personne qui est censé représenter le gouvernement allemand lors de la cérémonie à Washington ce lundi. Un événement qui s’annonce d’ores et déjà sous haute tension…
L’Allemagne prête à « tendre la main » mais ferme sur ses principes
Le co-président du Parti Social Démocrate SPD (formation du Chancelier Olaf Scholz) Lars Klingbeil a pour sa part adopté une position ferme mais ouverte au dialogue dans une interview ce samedi à Bild :
Nous tendons la main à Donald Trump, mais s’il la refuse, il faudra que ce soit clair : nous devrons être forts et défendre nos intérêts.
Lars Klingbeil, Co-Président du SPD
Une main tendue teintée de prudence et de fermeté donc. L’Allemagne semble déterminée à collaborer avec le nouveau locataire de la Maison Blanche, mais pas à n’importe quel prix. Si ce dernier venait effectivement à dépasser certaines lignes rouges et à remettre en cause l’État de droit et la démocratie, Berlin n’hésiterait visiblement pas à monter au créneau. Même au risque de provoquer quelques tensions diplomatiques…
Les prochaines semaines et les premiers actes de la présidence Trump seront donc scrutés avec la plus grande attention en Allemagne comme dans le reste de l’Europe. L’ère qui s’ouvre s’annonce incertaine et imprévisible dans les relations transatlantiques. Un test grandeur nature pour la solidité et les valeurs fondamentales du lien entre les deux rives de l’Atlantique. Avec potentiellement de lourdes répercussions géopolitiques à la clé…