C’est un acte chargé de sens et d’émotion qui s’est déroulé jeudi dernier au Musée ethnologique de Berlin. Lors d’une cérémonie solennelle, l’Allemagne a officiellement restitué à l’Australie les restes de cinq aborigènes. Ces vestiges sacrés, comprenant deux corps momifiés, deux crânes et un ensemble funéraire traditionnel, avaient été pillés sur des sites ancestraux australiens vers 1880, à l’époque où l’Allemagne possédait encore des colonies outre-mer.
Un devoir de mémoire envers les peuples autochtones
Pour les communautés aborigènes présentes, représentées par leur ambassadrice, ce rapatriement revêt une importance capitale. Selon Mme Smith, il s’agit d’une priorité absolue pour les peuples indigènes d’Australie et leur gouvernement. Au-delà d’un simple retour d’objets, c’est toute la question de la réparation des crimes coloniaux qui est soulevée.
Ces vestiges ancestraux n’auraient jamais dû se trouver ici.
Hermann Parzinger, président de la Fondation du patrimoine culturel prussien
Comme le souligne Hermann Parzinger, les musées allemands regorgent encore d’artefacts rapportés des anciennes colonies à partir du milieu du XIXe siècle. Un héritage douloureux et controversé avec lequel le pays doit aujourd’hui composer.
Berlin multiplie les gestes symboliques
Cette cérémonie s’inscrit dans une dynamique plus large engagée par l’Allemagne ces dernières années pour faire la lumière sur son passé colonial. Le pays a déjà restitué à la Namibie des ossements de membres des tribus Herero et Nama, victimes d’un génocide perpétré par les forces allemandes au début du XXe siècle. Des recherches ont également été menées sur 1100 crânes provenant de l’ancienne Afrique orientale allemande.
Parallèlement, Berlin a rendu au Nigeria des bronzes pillés dans l’ancien royaume du Bénin. Autant de gestes forts qui témoignent d’une volonté de regarder l’Histoire en face et d’assumer ses responsabilités.
Vers une réconciliation des mémoires
Comme le reconnaît Hermann Parzinger, la question coloniale a longtemps été éclipsée en Allemagne par les crimes nazis et la Seconde Guerre mondiale. Mais les mentalités évoluent et le pays semble désormais prêt à affronter ce pan sombre de son histoire.
Ces dernières années, notre approche sur certaines questions a sensiblement évolué.
Hermann Parzinger
Au-delà des restitutions, c’est tout un travail de mémoire et de réconciliation qui s’engage. Un chemin parfois douloureux mais nécessaire pour construire des relations apaisées et respectueuses avec les peuples autochtones.
Avec ce rapatriement, l’Allemagne franchit une étape symbolique importante. Reste désormais à poursuivre et amplifier cette dynamique pour réparer, autant que possible, les blessures du passé. Un défi de taille qui interroge la responsabilité des anciennes puissances coloniales face à leur héritage.
