Une récente réforme adoptée par le gouvernement allemand, visant à modifier les procédures de restitution des oeuvres d’art spoliées durant la période nazie, ne fait pas l’unanimité. Si pour la ministre de la Culture, Claudia Roth, cette réforme permettra à l’Allemagne de « mieux assumer ses responsabilités historiques », certains avocats et descendants de victimes y voient plutôt une limitation des droits de restitution.
Un lourd héritage historique
Entre 1933 et 1945, sous le régime nazi, des centaines de milliers de biens culturels ont été dérobés à leurs propriétaires légitimes, principalement issus de la communauté juive. En 1998, 44 pays dont l’Allemagne s’étaient engagés à retrouver et si possible restituer ces œuvres. Pourtant, près de 80 ans après la chute du IIIème Reich, tous les biens volés n’ont pas encore retrouvé leurs ayants droit.
Un système actuel jugé insuffisant
Le mécanisme en vigueur jusqu’à présent pour les demandes de restitution nécessitait l’accord à la fois du demandeur et du détenteur actuel de l’œuvre, un consentement mutuel à l’arbitrage souvent refusé en pratique par les propriétaires. La commission consultative chargée de statuer sur ces cas rendait par ailleurs des décisions non contraignantes.
Les principaux changements introduits
La réforme prévoit de remplacer cette commission par un véritable tribunal d’arbitrage. Les victimes ou leurs descendants pourront faire un « appel unilatéral » pour obtenir la restitution des biens, sans nécessiter l’accord des musées ou institutions qui les possèdent actuellement. Un changement de paradigme que salue la ministre de la Culture.
Des critiques virulentes
Tous ne partagent cependant pas cet enthousiasme. Dans une lettre ouverte au chancelier Olaf Scholz, un collectif d’avocats et de descendants de spoliés dénonce une réforme qui selon eux exclura « des groupes entiers de victimes » de leurs droits à restitution, au lieu de faciliter leur accès à la justice.
Au lieu d’améliorer l’accès à la justice, cette réforme va exclure des groupes entiers de victimes
Un collectif d’avocats et de descendants de victimes
Un premier pas pour certaines organisations juives
Le Conseil central des Juifs en Allemagne et la Jewish Claims Conference, qui ont participé aux discussions, considèrent malgré tout cette réforme comme « un premier pas », même s’ils militent pour aller plus loin, notamment via une loi de restitution obligatoire étendue aux institutions privées.
Une recherche des œuvres facilitée
Outre l’aspect législatif, la quête des œuvres spoliées a été grandement facilitée ces dernières années grâce à la déclassification de nombreux documents, la numérisation des archives et un accès plus aisé aux catalogues des musées, marchands d’art et maisons d’enchères.
L’essentiel à retenir
- L’Allemagne a adopté une réforme des procédures de restitution des oeuvres spoliées sous le nazisme
- La commission consultative actuelle sera remplacée par un tribunal arbitral
- Les demandeurs pourront faire appel sans l’accord des détenteurs actuels des oeuvres
- Des avocats et descendants de victimes critiquent une réforme qui exclurait des ayants droit
- Des organisations juives y voient un premier pas mais militent pour une loi plus contraignante
Si cette réforme marque incontestablement une nouvelle étape dans le difficile processus de restitution des oeuvres spoliées, le chemin reste encore long pour refermer définitivement ce douloureux chapitre de l’Histoire. Entre responsabilité morale et enjeux juridiques complexes, l’Allemagne doit encore trouver le juste équilibre pour honorer la mémoire des victimes et favoriser la réparation de ces crimes sur le long terme.