Alors que les tensions entre Moscou et les capitales européennes ne cessent de s’envenimer sur fond de guerre en Ukraine, un nouveau point de friction vient de surgir entre l’Allemagne et la Russie. Berlin a en effet fermement démenti mercredi les accusations du Kremlin selon lesquelles les autorités allemandes auraient ordonné la fermeture du bureau de la chaîne de télévision russe Pervy Kanal dans le pays.
Pervy Kanal, qui signifie « Première Chaîne » en russe, est connue pour sa ligne éditoriale particulièrement virulente dans son soutien à l’intervention militaire russe en Ukraine. Depuis décembre 2022, elle fait l’objet de sanctions de l’Union européenne qui interdisent notamment sa diffusion sur le territoire européen.
L’Allemagne nie toute entrave au travail des journalistes russes
Lors d’un point presse, le porte-parole de la diplomatie allemande Christian Wagner a été on ne peut plus clair : «Les affirmations russes sont fausses : le gouvernement fédéral n’a pas fermé le bureau de cette chaîne». Il a souligné qu’en règle générale, «les journalistes russes peuvent exercer librement et sans entrave en Allemagne».
Si Berlin réfute catégoriquement avoir mis un terme aux activités des correspondants de Pervy Kanal ou leur avoir retiré leur accréditation, Christian Wagner a toutefois laissé entendre que deux journalistes russes de la chaîne se seraient vu refuser un permis de séjour ou une prolongation de titre de séjour. Il a cependant précisé que ce type de décision relève des autorités régionales et non du gouvernement fédéral, qui n’intervient aucunement dans le processus.
La Russie expulse deux journalistes allemands en représailles
Malgré les démentis allemands, le Kremlin semble déterminé à entretenir la polémique. En guise de riposte à la supposée interdiction faite aux correspondants de Pervy Kanal d’exercer leur métier outre-Rhin, la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova a annoncé l’expulsion de deux journalistes de l’ARD basés à Moscou. L’ARD, qui constitue le plus grand groupe de télévision publique d’Allemagne, est l’une des chaînes les plus influentes en Europe.
Ce n’est pas la première fois que Moscou s’en prend aux médias allemands depuis le début du conflit ukrainien. En février 2022, juste avant de lancer son offensive, la Russie avait déjà sommé la radio-télévision internationale allemande Deutsche Welle de cesser d’émettre sur son territoire. Une mesure présentée comme une réponse à l’interdiction de diffusion en Allemagne de la chaîne russe RT, régulièrement pointée du doigt en Occident pour relayer la propagande et la désinformation du Kremlin.
Une énième passe d’armes qui illustre la dégradation des relations germano-russes
Ce nouvel épisode s’inscrit dans un contexte de crispation croissante entre Berlin et Moscou. Alors que l’Allemagne était traditionnellement l’un des pays occidentaux les plus conciliants avec la Russie, la donne a radicalement changé depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022.
Sous la pression de ses alliés et de son opinion publique, Berlin a dû revoir en profondeur sa politique à l’égard de Moscou. L’Allemagne a ainsi :
- Suspendu le gazoduc germano-russe Nord Stream 2
- Livré des armes à l’Ukraine, rompant avec sa doctrine de ne pas exporter d’armements vers des zones de conflit
- Soutenu les sanctions européennes contre la Russie
- Accueilli des centaines de milliers de réfugiés ukrainiens
Une réorientation stratégique vécue comme une véritable trahison par le Kremlin, qui ne manque pas une occasion de le faire savoir, comme l’illustre cette énième passe d’armes sur le terrain médiatique. Un épisode de plus dans la guerre de communication et de propagande qui fait rage en parallèle des combats sur le terrain.