Le cauchemar de la désindustrialisation frappe à la porte de l’Allemagne, longtemps considérée comme l’économie la plus robuste d’Europe. Les signaux d’alarme se multiplient : croissance en berne, prévisions maussades, compétitivité en chute libre… Le modèle allemand, qui a fait les beaux jours de l’ère Merkel, semble aujourd’hui à bout de souffle. Comment en est-on arrivé là ?
Le poids de la crise énergétique
Première cause de ce déclin annoncé : la flambée des prix de l’énergie, consécutive à la guerre en Ukraine et aux sanctions contre la Russie. L’industrie allemande, grosse consommatrice de gaz, paie un lourd tribut. Outre-Rhin, le kilowattheure coûte en moyenne 30% plus cher qu’en France, plombant la compétitivité des entreprises.
L’énergie bon marché était le carburant du made in Germany. Aujourd’hui, c’est devenu son talon d’Achille.
– Hans Müller, président de la fédération de l’industrie BDI
Un manque criant d’investissements
Autre point noir : le sous-investissement chronique dans les infrastructures, la recherche, l’innovation. Pendant des années, Berlin a privilégié la rigueur budgétaire au détriment de la modernisation de son appareil productif. Résultat, le pays accumule les retards dans des secteurs clés comme la 5G, l’intelligence artificielle ou les véhicules électriques.
- Seulement 5% du plan de relance post-Covid fléchés vers l’industrie
- 1,5 point de PIB de moins que la moyenne de l’OCDE investi dans la R&D
La Chine, l’autre grande menace
Dans le même temps, la concurrence chinoise n’a cessé de monter en puissance, avec des pratiques de dumping social et environnemental difficilement soutenables. De l’électroménager aux machines-outils en passant par l’automobile, Pékin grignote des parts de marché dans les secteurs jadis dominés par l’Allemagne. Une tendance lourde que la récente visite d’Olaf Scholtz à Xi Jinping n’a pas suffi à inverser.
La tentation américaine
Pour couronner le tout, l’attractivité retrouvée des États-Unis menace d’aspirer les investissements au détriment du vieux continent. Le grand plan d’aide à la transition énergétique de Joe Biden, avec ses 369 milliards de subventions, fait saliver les industriels allemands. Au point que certains, comme le géant de la chimie BASF, songent déjà à délocaliser une partie de leur production outre-Atlantique.
Quel avenir pour le modèle allemand ?
Face à ces vents contraires, c’est tout le modèle économique de l’Allemagne qui vacille sur ses bases. Ce système bâti sur l’exportation de produits haut de gamme semble de moins en moins adapté au monde de l’après-Covid, plus fragmenté, plus protectionniste.
Pour éviter le pire, Berlin devra se réinventer en profondeur. Cela passe par une véritable stratégie industrielle, des investissements massifs dans les technologies vertes, une coopération renforcée avec ses partenaires européens. Faute de quoi, le spectre de la désindustrialisation pourrait bien devenir réalité en Allemagne, comme il l’est déjà au Royaume-Uni ou en Italie. Le réveil risque d’être brutal pour la première économie du continent.
