Face à la multiplication inquiétante des drones non identifiés survolant des sites sensibles, l’Allemagne a décidé de passer à l’action. Selon un projet de loi présenté mercredi par le gouvernement, l’armée sera bientôt autorisée à abattre les appareils jugés menaçants. Une mesure radicale qui témoigne de l’ampleur de ce nouveau défi sécuritaire.
La Bundeswehr sur le pied de guerre
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les autorités allemandes constatent une recrudescence préoccupante de drones suspects au-dessus d’infrastructures critiques et de zones militaires. Face à cette menace, la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser a annoncé vouloir donner plus de pouvoir à l’armée, la Bundeswehr :
En cas de menace d’accident particulièrement grave, la Bundeswehr sera ainsi habilitée à repousser les drones volant illégalement.
Nancy Faeser, ministre allemande de l’Intérieur
Jusqu’à présent, les militaires devaient se contenter de tirs d’avertissement et assister la police régionale. Avec cette nouvelle législation, ils pourront passer à l’action de manière autonome si les forces de l’ordre ne sont pas en mesure d’intervenir à temps. Un changement de doctrine significatif.
Des cibles stratégiques visées
Les survols de drones non identifiés se sont multipliés ces derniers mois au-dessus de sites industriels, d’infrastructures de transport, d’énergie et de télécommunications. Un phénomène qui inquiète au plus haut point le gouvernement :
Les drones, en tant qu’instrument d’espionnage et de sabotage peuvent être un véritable danger, particulièrement pour nos infrastructures critiques.
Nancy Faeser
Parmi les incidents récents, on peut citer le survol par au moins dix drones de l’usine d’avions de combat Eurofighter à Manching. D’autres intrusions inexpliquées ont eu lieu au-dessus de la base aérienne américaine de Ramstein. Des incidents pris très au sérieux par Berlin.
Le spectre de la « guerre hybride »
Pour les autorités, ces survols suspects pourraient être le fait de la Russie dans le cadre d’actions de « guerre hybride ». Moscou est soupçonné de vouloir tester les défenses allemandes et récolter du renseignement en prévision d’éventuelles attaques futures :
Nous ne nous laissons pas intimider et nous faisons face à la menace actuelle.
Nancy Faeser
Face à cette nouvelle forme de conflit, mi-militaire mi-civile, l’Allemagne adapte sa législation. En donnant plus de latitude à l’armée pour neutraliser les drones, Berlin espère dissuader les éventuelles tentatives de déstabilisation. Mais cette militarisation de la lutte antidrone soulève aussi des questions.
Des garde-fous nécessaires
Si le projet de loi est adopté en l’état, la Bundeswehr pourra abattre tout drone jugé menaçant, après une demande d’assistance de la police. Mais comment s’assurer que cette prérogative ne soit pas utilisée de manière disproportionnée ou abusive ?
Des voix s’élèvent déjà pour réclamer un encadrement strict de ces nouveaux pouvoirs. Il s’agit notamment de définir précisément les critères permettant de classer un drone comme « menaçant » et les conditions d’engagement.
Par ailleurs, la destruction de drones civils par l’armée, même dans un contexte de menace, pourrait soulever des problèmes juridiques et être attaquée en justice. Des garde-fous semblent donc nécessaires.
Un défi international
La problématique des drones menaçants dépasse largement les frontières allemandes. De nombreux pays sont confrontés à ce défi et cherchent les moyens d’y faire face, dans un contexte géopolitique tendu.
En Europe, la France a récemment durci sa législation pour permettre aux forces de l’ordre d’intercepter et neutraliser les drones dans certaines conditions. Au Royaume-Uni aussi, la police a obtenu plus de latitude.
Mais au-delà des réponses nationales, une coopération internationale renforcée semble indispensable pour relever ce défi. Échange de renseignements, développement de technologies antidrones, harmonisation des législations… Autant de pistes à explorer pour contrer cette menace d’un genre nouveau.
En autorisant son armée à abattre les drones suspects, l’Allemagne franchit un cap dans cette lutte. Une décision forte, à la hauteur de l’inquiétude suscitée par la multiplication des incidents. Mais qui soulève aussi des questions complexes sur la place du militaire dans l’espace aérien civil. Le débat ne fait que commencer.