Alors que le débat sur la fin de vie s’apprête à faire son entrée dans l’hémicycle, une inquiétante confusion règne autour des termes employés. Aide à mourir, euthanasie passive, suicide assisté : derrière ces expressions se cache une réalité bien plus complexe qu’il n’y paraît. Le philosophe François-Xavier Putallaz, fin connaisseur des enjeux éthiques liés à la fin de vie, met en garde contre ce mésusage des mots qui brouille les pistes.
Une manipulation sémantique délibérée ?
Selon François-Xavier Putallaz, cette confusion n’est pas le fruit du hasard mais bien souvent d’une volonté délibérée de manipuler le langage :
On tord les mots pour forcer une idée. Ou alors, c’est de l’idéologie : une conception de la langue qui fait que lorsqu’on change les mots, on espère changer la réalité elle-même.
François-Xavier Putallaz
Parler d’euthanasie passive pour désigner le refus de l’acharnement thérapeutique, ou d’aide à mourir pour englober à la fois soins palliatifs, euthanasie et suicide assisté, relève ainsi d’une manipulation sémantique pour le philosophe. Le but ? Brouiller les frontières entre des pratiques pourtant radicalement différentes sur le plan éthique.
Catégoriser pour mieux confondre
En faisant appel à un médecin pour pratiquer euthanasie et suicide assisté, on déplace subtilement ces actes dans la catégorie de l’accompagnement médical. Une prestidigitation langagière qui occulte la réalité de ces pratiques visant à provoquer la mort, s’insurge François-Xavier Putallaz.
Cette confusion se retrouve jusque dans les statistiques officielles suisses, qui distinguent artificieusement “suicide assisté” et “suicide non assisté”, comme s’il existait de “vrais” et de “faux” suicides. Une classification trompeuse qui permet d’affirmer que le taux de suicide est à la baisse dans le pays.
Les mots pour masquer le réel
Derrière cette manipulation langagière se cache une philosophie nominaliste, qui considère que seuls les mots nous orientent dans la réalité. Pour le nominalisme, peu importent les catégories générales : il suffit d’apposer des étiquettes de manière arbitraire.
L’aide à mourir n’a rien à voir, dit-on, avec le fait de provoquer la mort. Pour moi, c’est de la prestidigitation.
François-Xavier Putallaz
Une confusion sémantique qui risque d’embrouiller le débat à venir sur la fin de vie, en masquant les véritables enjeux éthiques derrière un rideau de mots. Plus que jamais, il apparaît crucial de nommer les choses avec justesse pour aborder sereinement ces questions existentielles.
Rétablir le sens des mots
Face à cette dérive langagière, François-Xavier Putallaz appelle à rétablir le sens premier des termes liés à la fin de vie :
- Euthanasie : acte visant à provoquer intentionnellement la mort d’une personne malade, à sa demande, pour abréger ses souffrances.
- Suicide assisté : fait d’aider une personne qui souhaite se donner la mort, en lui fournissant les moyens nécessaires.
- Soins palliatifs : ensemble des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne atteinte d’une maladie grave, évolutive ou terminale.
Des définitions claires et sans ambiguïté, gages d’un débat apaisé sur ces questions délicates. Car au-delà des mots, c’est bien notre rapport à la mort et à la dignité humaine qui est en jeu.
Retrouver le sens de l’humain
Plutôt que de céder aux sirènes d’une aide à mourir aux contours flous, François-Xavier Putallaz invite à réaffirmer la primauté de l’accompagnement humain en fin de vie. Un accompagnement qui passe par le développement des soins palliatifs, seuls à même de soulager la souffrance sans transiger avec l’interdit de tuer.
À l’heure où le débat s’apprête à s’enflammer, il est urgent de retrouver le sens des mots et de l’humain. Pour que la fin de vie ne soit pas l’occasion d’une transgression éthique majeure, mais le temps précieux d’un accompagnement empreint de compassion et de dignité.