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Laïcité à l’école turque : le nouveau coup de boutoir d’Erdogan

En Turquie, les nouveaux programmes scolaires prévus pour la rentrée reflètent l'idéologie islamo-nationaliste d'Erdogan, faisant craindre un recul sans précédent de la laïcité dans l'éducation. Découvrez comment ces directives controversées bousculent les fondements de l'enseignement turc...

En cette fin d’année scolaire, l’atmosphère est lourde dans les écoles turques. Loin des traditionnels pique-niques festifs, c’est l’inquiétude qui règne parmi les parents d’élèves et le corps enseignant. La raison ? Les nouveaux programmes révélés par le ministère de l’Éducation pour la rentrée prochaine, qui portent un coup sévère aux principes de laïcité.

Une rentrée sous le signe de l’islamo-nationalisme

Publiées fin avril, les directives ministérielles fixent le cap pour l’année scolaire à venir. Au menu : promouvoir les valeurs “nationales et spirituelles”, encourager “l’honnêteté et le patriotisme” et former des générations “morales et vertueuses”. Un programme clé en main pour façonner la jeunesse turque à l’image de l’islamo-nationalisme cher au président Erdogan.

Parents et enseignants sont sous le choc. Burcu, mère de deux enfants scolarisés à Istanbul, témoigne de son désarroi :

On s’en serait bien passé ! Ces directives ne présagent rien de bon pour l’avenir de nos enfants et de notre pays.

– Burcu, parent d’élève

La laïcité, grand perdant de la réforme

Si la Turquie est officiellement un état laïc depuis 1928, force est de constater que ce principe est mis à mal depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP, le parti islamo-conservateur d’Erdogan, en 2002. Les nouveaux programmes scolaires en sont la dernière illustration en date.

En effet, la religion, et plus particulièrement l’islam sunnite, s’immisce dans toutes les matières :

  • En mathématiques, les élèves devront résoudre des problèmes impliquant le nombre de rakats (prières) dans chaque prière quotidienne.
  • En sciences, l’accent sera mis sur les merveilles de la Création divine.
  • En littérature, les textes étudiés vanteront les mérites des valeurs islamiques.

Même les cours de musique n’échappent pas à cette révolution conservatrice, privilégiant les chants traditionnels et patriotiques aux mélodies plus contemporaines.

L’opposition dénonce une dérive inquiétante

Face à ces changements radicaux, l’opposition laïque monte au créneau. Le CHP, principal parti d’opposition, dénonce une dérive inquiétante et une menace pour l’héritage d’Atatürk, père fondateur de la République turque et fer de lance de la laïcité.

Selon Kemal Kılıçdaroğlu, leader du CHP :

Ces programmes sont une honte pour notre démocratie et un pas de plus vers l’instauration d’un régime théocratique. Nous ne laisserons pas Erdogan détruire les fondements laïcs de notre République.

– Kemal Kılıçdaroğlu, leader de l’opposition

Mais avec sa mainmise sur les institutions et les médias, le président turc semble bien décidé à imposer sa vision de la société, quitte à sacrifier les principes fondateurs de la Turquie moderne sur l’autel de son idéologie islamo-nationaliste.

L’avenir de la jeunesse turque en jeu

Au-delà des enjeux politiques, c’est bien l’avenir de toute une génération qui est en jeu. Enseignants et parents s’inquiètent des conséquences de cette réforme sur l’épanouissement et l’ouverture d’esprit des élèves.

Mehmet, professeur de lycée à Ankara, fait part de ses craintes :

Nos élèves ont besoin d’une éducation moderne et pluraliste pour devenir des citoyens éclairés, capables de penser par eux-mêmes. Je crains que ces nouveaux programmes ne les enferment dans une vision étroite et dogmatique du monde.

– Mehmet, enseignant

Pour beaucoup, cette réforme sonne comme un retour en arrière, une régression vers un obscurantisme religieux incompatible avec les défis du XXIe siècle.

La société civile se mobilise

Face à cette offensive contre la laïcité dans les écoles, la société civile turque refuse de rester les bras croisés. Associations de parents d’élèves, syndicats enseignants et ONG laïques multiplient les initiatives pour tenter de faire barrage à la réforme.

Pétitions en ligne, manifestations devant le ministère, grèves dans les établissements scolaires… Les actions se succèdent pour exiger le retrait des directives controversées.

Reste à savoir si cette mobilisation sera suffisante pour infléchir la politique éducative du gouvernement. Une chose est sûre : la bataille pour l’avenir de l’école turque ne fait que commencer, et son issue sera déterminante pour l’avenir du pays.

Dans ce bras de fer entre conservatisme religieux et aspirations démocratiques, c’est le visage de la Turquie de demain qui se dessine. Loin des bancs de l’école, ce sont les fondements mêmes de la République qui sont en jeu.

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