C’est un moment charnière dans l’histoire des restitutions d’art africain. Ce week-end, le roi traditionnel Asante du Ghana recevra 28 trésors en or d’une valeur inestimable, restitués par l’Afrique du Sud. Ces objets, fabriqués au XIXe siècle par les artisans de la cour Asante, symbolisent la gouvernance et l’héritage royal de ce royaume autrefois puissant. Ils viennent enrichir la collection croissante d’objets culturels Asante rendus à ce petit pays d’Afrique de l’Ouest.
Des chefs-d’œuvre d’orfèvrerie royale
Parmi ces trésors figurent des bâtons de linguiste, des épées, des serrures de sécurité du palais, des bagues, des colliers et des poids en or. Selon l’historien Ivor Agyeman-Duah, directeur associé du Manhyia Palace Museum, ces objets constituent des “chefs-d’œuvre d’orfèvrerie reflétant la sophistication de la gouvernance de la cour Asante”.
Ces trésors seront exposés dans une nouvelle galerie récemment ajoutée au Manhyia Palace Museum, ouvert en mai et dédié à l’exposition des objets traditionnels Asante rendus au pays.
La présentation des objets aura lieu lors d’une célébration au palais Manhyia à Kumasi, ancienne capitale de l’empire Asante. C’est le roi Otumfuo Osei Tutu II qui avait demandé en début d’année la restitution de ces trésors à la société minière sud-africaine AngloGold Ashanti. Celle-ci les avait achetés en 2000 à un collectionneur suisse.
Un tournant dans les restitutions d’art africain
Le retour de ces 28 objets porte à 67 le nombre total d’objets culturels restitués au palais Asante cette année. C’est le plus important rapatriement d’objets en Afrique au cours de ces dernières années. Il intervient alors que la pression s’accroît sur les musées et institutions occidentaux pour qu’ils rendent les objets d’arts africains volés pendant la colonisation.
- En début d’année, 7 objets pillés pendant la guerre anglo-asante de 1874 ont été restitués par le Fowler Museum de l’UCLA à Los Angeles.
- 32 autres ont été “prêtés pour trois ans renouvelables” par le British Museum et le Victoria & Albert Museum au Royaume-Uni.
Selon Lekgetho Mokola, chercheur à l’université de Yale, “l’Afrique prend aujourd’hui l’initiative des restitutions sur son propre territoire afin de faire face à son propre héritage colonial”. Il ajoute qu’il “est possible que le reste du travail de restitution au-delà de nos frontières s’accélère pour rendre aux peuples de ce continent ce qui leur appartient”.
Une dynamique de restitution qui s’accélère
Le mouvement ne se limite pas au Ghana. Le Nigeria négocie actuellement la restitution de milliers d’objets métalliques datant du XVIe au XVIIIe siècle, pillés dans l’ancien royaume du Bénin. Ils sont actuellement détenus par des musées et des collectionneurs d’art aux États-Unis et en Europe.
En 2021, la France a restitué au Bénin 26 objets et œuvres d’art volés en 1892 par les forces coloniales lors du sac d’Abomey. Autant d’exemples qui montrent que la dynamique de restitution du patrimoine africain s’accélère, à l’initiative des pays du continent mais aussi sous la pression internationale.
Ces trésors royaux Asante qui retrouvent leur terre d’origine constituent donc un symbole fort. Ils marquent une étape importante dans la longue quête de l’Afrique pour récupérer son héritage culturel dispersé.
Un héritage inestimable, témoin de la richesse et de la sophistication des anciennes civilisations africaines, qui mérite de retrouver sa place au cœur de l’histoire et de l’identité du continent. La cérémonie de ce week-end au palais royal de Kumasi promet d’être un moment chargé d’émotion et de signification pour le peuple Asante et pour toute l’Afrique.