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L’Afrique doit compter sur elle-même pour son développement

L'Afrique fait face à un double défi : lutter contre le réchauffement climatique et sortir de la pauvreté. Pour y parvenir, les États africains doivent compter sur eux-mêmes et générer plus de recettes fiscales. Un rapport de la fondation Mo Ibrahim révèle l'ampleur du défi à relever pour combler le déficit de financement, estimé à 450 milliards de dollars par an...

Le constat est sans appel : l’Afrique cumule les défis du réchauffement climatique et de l’extrême pauvreté. Sept des dix pays les plus vulnérables au changement climatique sont africains. Dans le même temps, le continent reste le plus pauvre du globe. Concilier lutte contre le réchauffement et développement économique apparaît comme une équation impossible. Pourtant, c’est le pari que doivent relever les États africains, et vite.

Un déficit de financement abyssal

Selon un rapport de la fondation Mo Ibrahim intitulé « Financement en Afrique : où est l’argent ? », le déficit de financement du développement s’élèverait à 450 milliards de dollars par an en Afrique, soit 15% de son PIB. Une somme colossale, qui ne représente pourtant que 0,4% des 120 000 milliards de dollars d’actifs gérés par les investisseurs institutionnels dans le monde, souligne le milliardaire et philanthrope anglo-soudanais Mo Ibrahim.

Face à ce gouffre, l’aide publique au développement ne pèse que 10% des ressources financières et se concentre surtout dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Quant aux investissements directs étrangers, l’Afrique n’en capte que 3,3% au niveau mondial, en raison d’une perception du risque « hystérisée » selon certains représentants africains.

Miser sur les recettes fiscales domestiques

Dans ce contexte, les États africains n’ont d’autre choix que de compter sur leurs propres forces en générant davantage de recettes fiscales domestiques. Car pour l’heure, les systèmes fiscaux restent embryonnaires sur le continent. En moyenne, les impôts ne représentent que 17% du PIB en Afrique subsaharienne, contre 34% dans les pays de l’OCDE.

Élargir l’assiette fiscale, mieux collecter l’impôt, lutter contre l’évasion fiscale et les flux financiers illicites… Les chantiers sont nombreux pour améliorer les recettes fiscales. Des progrès ont déjà été réalisés, avec une hausse de 5 points de pourcentage de la part des impôts dans le PIB entre 2000 et 2020 en Afrique. Mais il reste encore un long chemin à parcourir.

Des réformes fiscales indispensables

Pour y parvenir, des réformes fiscales courageuses s’imposent. Taxer davantage les entreprises et les ménages les plus aisés, réduire les exonérations fiscales souvent trop généreuses, mieux exploiter le potentiel fiscal des secteurs informel et agricole, renforcer les capacités des administrations fiscales… Les pistes ne manquent pas pour augmenter les recettes publiques.

Il est temps pour les États africains de prendre leur destin en main et de mobiliser les ressources fiscales domestiques dont ils ont tant besoin.

Vera Songwe, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique de l’ONU

Ces réformes fiscales devront s’accompagner d’une meilleure gouvernance et d’une plus grande redevabilité dans la gestion des deniers publics, afin de restaurer la confiance des citoyens dans leurs institutions. Un véritable contrat social fiscal entre l’État et les contribuables doit émerger.

L’Afrique, futur moteur de croissance mondiale

Si l’Afrique parvient à relever ce défi du financement, elle pourrait bien devenir le prochain moteur de la croissance mondiale. Avec ses immenses ressources naturelles, sa jeunesse, la dynamique d’intégration régionale en cours, le potentiel est là. Encore faut-il que le continent prenne son destin en main en mobilisant ses propres ressources.

La perception du risque en Afrique est exagérée. Il est temps de changer de narratif et de voir le continent comme une terre d’opportunités.

Aliko Dangote, homme d’affaires nigérian, classé comme l’homme le plus riche d’Afrique

L’intégration régionale, clé du développement

Pour attirer davantage d’investissements, les pays africains misent aussi sur l’intégration régionale. Stimuler le commerce intra-africain, développer les infrastructures transfrontalières, harmoniser les réglementations… L’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) en 2021 est porteuse d’espoir. À terme, ce vaste marché de 1,3 milliard de consommateurs pourrait générer des gains pouvant atteindre 450 milliards de dollars.

RégionCommerce intra-régional (en % du commerce total)
Afrique15%
Asie52%
Europe71%
Amérique du Nord47%

Mais pour tirer tous les bénéfices de l’intégration économique, des infrastructures de qualité sont indispensables. Des investissements massifs sont nécessaires dans les réseaux routiers, portuaires, électriques. Soit autant de projets qui, s’ils sont bien menés, peuvent avoir des retombées positives en termes d’emplois et de croissance.

Un défi à la hauteur des enjeux

Générer des recettes fiscales, attirer les investissements, approfondir l’intégration régionale… La feuille de route est claire pour les dirigeants africains. Certes le défi est immense, à la hauteur des enjeux climatiques et de développement auxquels le continent fait face. Mais l’Afrique a tous les atouts pour réussir et écrire une nouvelle page de son histoire, celle d’une croissance inclusive et durable.

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