La Syrie est à un tournant. Le régime d’Assad, longtemps considéré comme inébranlable malgré une décennie de guerre civile, semble aujourd’hui dangereusement fragilisé. Une série d’événements récents met en lumière les failles béantes dans l’édifice du pouvoir syrien, laissant planer le doute sur sa capacité à se maintenir durablement.
Un revers militaire et symbolique majeur à Alep
Le point de bascule semble avoir été la perte éclair par le régime du contrôle d’Alep le week-end dernier au profit des groupes rebelles. Carrefour stratégique et poumon économique du pays, Alep avait fait l’objet d’intenses combats entre 2012 et 2016 avant que le régime n’en reprenne le contrôle total. Sa chute brutale apparaît comme un camouflet pour Damas.
Selon les analystes, cet épisode illustre la profonde déliquescence de l’armée syrienne, minée par les défections, le manque d’équipement et de motivation. Loin de la capitale, la capacité du régime à tenir ses positions apparaît de plus en plus illusoire.
Le spectre d’une déstabilisation généralisée
Au-delà du seul cas d’Alep, c’est toute l’emprise territoriale du régime qui semble vaciller. Et les conséquences pourraient être dramatiques. Comme le souligne David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’IRIS:
Il y a un risque de déstabilisation, voire de coup d’État. Les trois quarts de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les mécontentements, multicommunautaires, grondent.
Des rumeurs de pronunciamiento ont d’ailleurs circulé ce week-end à Damas. Même infondées, elles témoignent du climat délétère qui règne désormais en Syrie et des doutes croissants sur la solidité du régime.
Une économie exsangue, un soutien populaire qui s’effrite
La perte de contrôle militaire s’accompagne d’une dégradation continue de la situation économique. Les sanctions internationales, les destructions massives et l’absence de reconstruction pèsent lourd. La grande majorité des Syriens est aujourd’hui plongée dans la misère, un terreau fertile pour les contestations.
La popularité de Bachar Al-Assad est ainsi en chute libre, y compris dans les bastions traditionnels du régime. Il apparaît de plus en plus comme un dirigeant lointain et déconnecté de la réalité quotidienne de ses compatriotes.
Des soutiens extérieurs aux abonnés absents
Facteur aggravant, les alliés historiques du régime syrien, à savoir la Russie et l’Iran, semblent avoir d’autres priorités que de voler à son secours. Moscou est embourbé dans le conflit ukrainien tandis que Téhéran peine face à Israël.
Certes quelques frappes aériennes russes ont été menées mercredi près de Hama en soutien à l’armée syrienne. Mais sans engagement massif au sol, la reconquête d’Alep apparaît illusoire. D’autant que l’axe Moscou-Téhéran est loin d’être exempt de failles et de rivalités.
Quel avenir pour la Syrie d’Assad ?
Au final, le régime syrien semble à la croisée des chemins. Il paraît bien esseulé face aux immenses défis sécuritaires, économiques et sociaux. Sa capacité à endiguer la poussée rebelle, à redresser une économie en ruines et à apaiser les tensions communautaires apparaît des plus limitées.
Quant à une éventuelle transition politique, évoquée en 2015 par l’ONU, elle semble plus que jamais illusoire, le clan Assad s’accrochant au pouvoir à tout prix. La Syrie risque donc de s’enfoncer dans une spirale infernale d’affrontements et de décomposition.
Paradoxalement, le principal bénéficiaire de cet affaiblissement du régime pourrait être le groupe État islamique. Comme le souligne Charles Lister, avec le redéploiement des meilleures unités de l’armée syrienne, un « vide » sécuritaire se crée dans le centre du pays, là où l’EI se reconstitue peu à peu. Une menace de plus pour une Syrie déjà à genoux…
