L’aide publique au développement française est sur la sellette. Rémy Rioux, le directeur général de l’Agence française de développement (AFD), tire la sonnette d’alarme. Lors d’une audition parlementaire, il a déploré “la très forte baisse des ressources” prévue dans le budget 2025, qui “déformerait fortement [l’]activité et [la] stratégie” de son établissement, présent dans pas moins de 150 pays.
Un budget en chute libre
Dans le projet de loi de finances dévoilé en octobre, l’aide publique au développement figure parmi les missions les plus sévèrement amputées, avec un recul de 1,3 milliard d’euros. Et comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement a rajouté fin octobre 641 millions d’euros d’économies supplémentaires. Au total, le budget de l’AFD devrait ainsi fondre d’environ 34% en 2025 par rapport à 2024.
Concrètement, sur une enveloppe actuelle de 6 milliards d’euros allouée par l’État à l’aide publique au développement, l’AFD en perçoit un tiers, soit 2 milliards. “Ces 2 milliards d’euros de crédits budgétaires sont complétés par des ressources de marché, en empruntant. Nous atteignons ainsi 12 à 13 milliards d’euros de financement par an”, a précisé M. Rioux devant les députés.
Un effet de levier menacé
Car la particularité de l’AFD, c’est sa capacité à démultiplier les fonds publics. “Si on ajoute les cofinancements”, comme ceux de la Banque mondiale par exemple, “vous pouvez ajouter à peu près l’équivalent. Et donc avec 2 milliards d’euros, on fait 25 milliards de financements positifs, concrets. Pour 1 euro du contribuable, finalement, c’est 12 euros qui sont in fine investis grâce à la capacité bancaire”, a souligné le directeur général. Un effet de levier qui risque d’être sérieusement émoussé par les coupes budgétaires.
Une activité intensive sur le terrain
Rappelons que l’AFD, ce sont près de 5.000 collaborateurs dont 2.500 sur le terrain, répartis dans 150 pays et 11 départements et territoires d’outre-mer. Un maillage unique qui lui permet d’avoir un impact concret et massif. “Nos interventions ont permis l’année dernière à 64 millions de personnes d’avoir un meilleur accès aux soins, à 14 millions de jeunes filles d’être scolarisées. Et pour le climat, 40 milliards ont été engagés depuis 2017”, a relevé M. Rioux.
L’aide au développement, un impératif stratégique
Au-delà des chiffres, le patron de l’AFD a tenu à rappeler le rôle crucial de l’aide publique au développement. Loin d’être “un simple supplément d’âme”, “c’est une condition de notre prospérité”, “une condition de notre sécurité”, a-t-il martelé. L’action de l’AFD “prépare, complète et approfondit l’action diplomatique” de la France.
À un tel niveau, il ne s’agit pas d’une légère contraction. L’action de développement n’est pas un simple supplément d’âme. C’est une condition de notre prospérité. C’est une condition de notre sécurité.
Rémy Rioux, directeur général de l’AFD
Alors que les crises se multiplient, du dérèglement climatique aux conflits en passant par les pandémies, réduire drastiquement les moyens de la principale agence française d’aide au développement fait figure de mauvais calcul. Face aux défis mondiaux, la solidarité n’est pas une option mais un impératif stratégique. Reste à savoir si le gouvernement et le parlement en prendront la pleine mesure au moment de voter le prochain budget.