L’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) suscite de vives inquiétudes dans le secteur agricole européen. Au-delà des enjeux économiques, c’est la santé des consommateurs qui pourrait être mise en péril par l’arrivée massive de produits sud-américains aux normes sanitaires plus laxistes.
Viandes gonflées aux antibiotiques et nourries aux OGM
Selon les termes de l’accord, près de 100 000 tonnes de viande bovine pourraient débarquer chaque année sur le marché européen, en provenance principalement du Brésil. Or les méthodes d’élevage brésiliennes font froid dans le dos :
- Des fermes-usines géantes pouvant compter jusqu’à 30 000 bovins
- Une utilisation massive d’antibiotiques et d’hormones de croissance
- Une alimentation à base de soja et maïs OGM
Des pratiques aux antipodes des normes européennes, beaucoup plus strictes en matière de bien-être animal et d’alimentation. Résultat : des viandes de qualité douteuse, truffées de résidus potentiellement dangereux pour la santé humaine.
Poulets et porcs également concernés
La viande bovine n’est pas la seule concernée. L’accord prévoit aussi l’importation de 180 000 tonnes de volailles et 25 000 tonnes de viande porcine. Là encore, les différences de réglementation laissent craindre le pire, avec un recours banalisé aux antibiotiques et des conditions d’élevage déplorables.
Soja et maïs gorgés de pesticides interdits
Au-delà des viandes, le spectre d’une invasion de céréales et oléagineux cultivés à grand renfort de pesticides plane aussi. Le soja et le maïs sud-américain, ingrédients de base pour l’alimentation animale, sont notoirement connus pour leur usage immodéré de produits phytosanitaires, dont beaucoup sont pourtant proscrits dans l’UE.
Sur 178 pesticides utilisés au Brésil et en Argentine, 138 étaient interdits en France.
Selon une enquête de l’Association générale des producteurs de maïs
Parmi eux, on retrouve notamment des néonicotinoïdes, ces insecticides “tueurs d’abeilles” bannis en Europe depuis 2018. Des substances toxiques qui risquent donc de se retrouver dans nos assiettes, via la viande d’animaux nourris avec ces végétaux sud-américains, sans qu’aucun contrôle ne soit possible.
Une traçabilité des produits défaillante
Car c’est bien là que le bât blesse. Si l’UE peut contrôler les viandes importées, il lui est impossible de vérifier la provenance et les traitements subis par les produits transformés : alimentation animale, lait en poudre, miel… Autant d’ingrédients qui se retrouvent dans de nombreux aliments consommés quotidiennement.
Pour avoir des contrôles fiables, il faudrait une traçabilité fiable, qui est aujourd’hui relativement superficielle.
Ludovic Brindejonc, directeur du label Agri-Éthique
Un manque de transparence qui expose les consommateurs européens à des risques sanitaires potentiellement graves, sans qu’ils en aient conscience. Un danger d’autant plus important dans le contexte économique actuel, où le prix reste le critère d’achat numéro un.
Le rôle clé de la grande distribution
Face à ce péril qui guette nos assiettes, la responsabilité des enseignes de distribution sera plus que jamais engagée. Ce sont elles qui décideront in fine de référencer ou non ces produits à risque venus d’outre-Atlantique.
Il faut que l’offre soit qualifiée dans les magasins. La promotion peut aussi être un moyen de soutenir les agriculteurs français.
Michel-Édouard Leclerc, président des centres E.Leclerc
Mais dans une guerre des prix exacerbée, la tentation de proposer des aliments moins chers, même au détriment de la qualité sanitaire, sera grande. Un dilemme cornélien entre intérêts économiques et santé publique, sur fond de flambée du coût de la vie…
L’accord UE-Mercosur n’a pas fini de faire couler de l’encre et de soulever les passions. S’il venait à être ratifié en l’état, il pourrait bien rebattre les cartes de notre alimentation, en ouvrant une brèche béante dans la forteresse sanitaire européenne. Aux consommateurs de rester vigilants et de faire entendre leur voix, pour que la quête de prix bas ne se fasse pas au prix de leur santé.