Pensez-vous que les visites d’État entre dirigeants européens sont de simples formalités protocolaires sans réel impact ? Détrompez-vous ! La récente visite surprise d’Emmanuel Macron en Allemagne, la première d’un président français depuis près d’un quart de siècle, redistribue les cartes de la diplomatie européenne à un moment charnière.
Une visite d’État, qu’est-ce que c’est ?
Avant de plonger dans les coulisses de ce déplacement, rappelons ce que signifie une visite d’État. Il s’agit du niveau protocolaire le plus élevé dans les relations diplomatiques, réservé aux chefs d’État uniquement. Chaque détail, du dîner de gala à la revue des troupes, est minutieusement chorégraphié pour honorer les liens entre deux nations.
Une visite d’État n’est jamais anodine, elle envoie un message politique fort sur la qualité des relations bilatérales.
Alain Juppé, ancien ministre des Affaires étrangères
Un timing stratégique
Le choix du calendrier n’est pas anodin. À moins de deux semaines des élections européennes, cruciales pour l’avenir du projet européen, Macron choisit de resserrer les rangs avec Berlin. Face aux tentations nationalistes et eurosceptiques, le couple franco-allemand veut réaffirmer son leadership et sa vision d’une Europe unie et souveraine.
La symbolique est forte : pour la première fois, un président français se rendra dans l’ex-RDA, ces länder de l’Est de l’Allemagne où le sentiment anti-européen est plus prégnant. Macron ira au contact direct des citoyens allemands pour défendre sa vision de l’Europe.
Des sujets brûlants sur la table
Au-delà de l’affichage de l’unité, cette visite sera l’occasion d’avancer sur plusieurs dossiers épineux :
- La réforme de la zone euro et le budget européen
- La politique de défense commune et la relation avec l’OTAN
- La gestion des flux migratoires et la réforme de Schengen
- La future relation avec le Royaume-Uni post-Brexit
Autant de sujets qui nécessiteront des compromis et une étroite coordination franco-allemande pour aboutir. Cette visite permettra de fixer un cap commun.
Une relation à réinventer
Plus profondément, ce déplacement vise à remettre à plat la relation franco-allemande après une période de flottement. Divergences sur la gouvernance européenne, le climat, le numérique… Les motifs de friction n’ont pas manqué ces derniers mois entre Paris et Berlin.
Avec Angela Merkel sur le départ et une nouvelle coalition au pouvoir en Allemagne, Emmanuel Macron espère redonner un nouveau souffle au couple franco-allemand. Réinventer un logiciel de coopération, trouver de nouveaux projets mobilisateurs… Tout l’enjeu sera de montrer que le moteur européen tourne encore.
Sans un axe Paris-Berlin fort et ambitieux, l’Europe avance au ralenti voire recule. Cette visite est un investissement essentiel pour l’avenir.
Clément Beaune, Secrétaire d’État chargé des Affaires européennes
Un test pour la “méthode Macron”
Enfin, cette visite constituera un test grandeur nature pour la diplomatie façon Macron. Depuis son élection, le président français a théorisé une pratique diplomatique faite de coups d’éclat, de prises de risque et de contacts directs, loin des rouages traditionnels.
De ses échanges musclés avec Poutine à son coup de comm’ avec Trump à Bruxelles, Macron veut incarner un soft power à la française, un art de l’influence par le verbe et le symbole. Cette visite surprise à Berlin s’inscrit dans cette stratégie assumée.
Réussir à surprendre, capter l’attention médiatique, créer un électrochoc dans le landerneau diplomatique… Au-delà des résultats concrets, c’est toute la “méthode Macron” qui sera jugée dans cet exercice de haute voltige.
Une visite pour quelques jours mais des enjeux qui engagent l’Europe pour les années à venir : rarement un déplacement présidentiel aura été aussi scruté et déterminant. Résultat des courses fin mai !