Au cœur de l’Île de Ré, un combat discret mais déterminé se joue depuis plusieurs mois. Son enjeu ? La préservation d’un élément clé du patrimoine local : la statue de la Vierge de La Flotte-en-Ré. Érigée après la Seconde Guerre mondiale en signe de gratitude pour le retour des prisonniers, cette œuvre chargée d’histoire a récemment été la cible d’activistes cathophobes souhaitant sa disparition de l’espace public. Mais c’était sans compter sur la ténacité des défenseurs de ce symbole identitaire.
Un feuilleton judiciaire opposant deux visions de la laïcité
Tout commence en 2020, lorsqu’un automobiliste percute accidentellement le socle de la statue. La municipalité décide alors de la reconstruire à l’identique, au même emplacement. C’est ce qui déclenche l’ire de la Libre Pensée 17, une association de défense de la laïcité, qui saisit la justice en invoquant la loi de 1905 interdisant l’installation de monuments religieux sur le domaine public.
S’ensuit une bataille juridique de près de deux ans, ponctuée de jugements contradictoires. En mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers ordonne à la commune de déplacer la statue hors du domaine public sous six mois. Puis en janvier 2023, la cour administrative d’appel de Bordeaux confirme cette décision, malgré les arguments de la municipalité sur la dimension patrimoniale et mémorielle de l’œuvre.
Un élan populaire pour défendre un symbole identitaire
Mais les Rétais n’ont pas dit leur dernier mot. Le 29 janvier 2023, près de 350 personnes se rassemblent autour de la statue menacée. Militants de droite, catholiques pratiquants ou simples habitants attachés à leur patrimoine, tous expriment leur refus de voir disparaître ce « signe de notre histoire » comme le souligne une manifestante.
Des associations se mobilisent également, à l’image de « Touche pas à ma statue » dont les membres n’hésitent pas à bétonner et cadenasser le monument en signe de protestation. Une cagnotte est même lancée pour aider à sa préservation.
Arrêtez de toucher à nos statues, arrêtez de toucher à notre pays, arrêtez de toucher à nos racines, arrêtez de toucher à nos valeurs !
– Vice-président de l’association “Touche pas à ma statue”
Une victoire en demi-teinte pour les défenseurs du patrimoine
Malgré cette mobilisation, le Conseil d’État rejette finalement le pourvoi de la commune le 19 octobre 2023. La statue doit donc quitter l’espace public. Mais ses défenseurs ne s’avouent pas vaincus pour autant. Le maire Jean-Paul Héraudeau cherche activement un terrain privé où l’installer à proximité.
C’est chose faite le 7 juin 2024. À quelques mètres seulement de son socle d’origine, la Vierge de La Flotte-en-Ré retrouve sa place sur un terrain appartenant désormais à l’association « Préservation de la statue de la Vierge ». Un pied de nez assumé aux activistes de la Libre Pensée.
Nous remercions la fédération gauchiste de la Libre Pensée qui a permis une nouvelle fois une médiatisation importante de cette statue et sa (re)découverte pour certains !
– Tweet de l’association “Touche pas à ma statue”
Au-delà de l’aspect anecdotique, cette affaire illustre les tensions qui peuvent persister autour de l’application du principe de laïcité et de la place des symboles religieux dans l’espace public. Si la loi a finalement été respectée, la détermination des habitants de La Flotte-en-Ré à préserver ce qu’ils considèrent comme leur patrimoine montre que ces questions sont loin d’être tranchées dans le débat public.
La statue de la Vierge, témoin silencieux de ces passions, peut désormais continuer à veiller sur la commune, à défaut de trôner en son cœur. Une issue qui, sans satisfaire pleinement ses défenseurs, a le mérite de préserver ce symbole identitaire. Et de prouver qu’entre intransigeance laïque et crispations communautaires, des compromis restent possibles pour peu que la bonne volonté soit au rendez-vous.