Leni Riefenstahl, l’énigmatique réalisatrice allemande dont le talent a marqué l’histoire du cinéma, est au cœur d’une controverse qui ne cesse de faire débat depuis plus de 80 ans. Adulée pour son œuvre novatrice et son sens de l’esthétique, elle est aussi pointée du doigt pour ses liens troubles avec le régime nazi. Un documentaire, exploitant des archives inédites, lève enfin le voile sur cette question épineuse 20 ans après sa mort. Ce qu’il révèle est encore plus troublant que ce que l’on pensait…
Leni Riefenstahl, égérie controversée du IIIe Reich
Née en 1902, Leni Riefenstahl se fait d’abord connaître comme danseuse et actrice durant les années 1920 avant de passer derrière la caméra. C’est le début d’une ascension fulgurante. Ses films, techniquement novateurs et esthétiquement grandioses, attirent l’attention d’Adolf Hitler lui-même. Le dictateur nazi lui ouvre grandes les portes du régime, lui donnant carte blanche et moyens colossaux pour réaliser ses œuvres.
En 1934, elle filme Le Triomphe de la volonté, un documentaire à la gloire du congrès du parti nazi à Nuremberg. En 1936, elle réalise Les Dieux du stade, couvrant les Jeux Olympiques de Berlin, véritable vitrine de la propagande nazie. Des chefs-d’œuvre de réalisation qui sont aussi de redoutables outils de propagande, magnifiant l’idéologie nazie et son culte de la race aryenne. Leni Riefenstahl devient la cinéaste officielle du Reich.
La défense de Leni Riefenstahl
Après la guerre, lors de la dénazification, Leni Riefenstahl se retrouve sur le banc des accusés. On lui reproche sa proximité avec les plus hauts dignitaires nazis. Mais la réalisatrice se défend en clamant avoir été « apolitique », uniquement dévouée à son art :
Je n’ai jamais été nazie. Je n’ai fait que filmer ce que je voyais, comme un documentariste, sans arrière-pensée. Je n’étais intéressée que par l’aspect esthétique.
Leni Riefenstahl lors de son procès en dénazification
Malgré les suspicions, aucune preuve tangible de son adhésion au nazisme n’est apportée. Leni Riefenstahl est finalement « blanchie », mais sa carrière ne s’en relèvera pas. Mise au ban du 7e Art, elle se tourne vers la photographie.
Les révélations d’un documentaire-choc
Mais l’ombre de la collaboration continue de la suivre. En 2023, 20 ans après sa mort à 101 ans, un documentaire relance le débat. En exploitant des archives personnelles inédites de la réalisatrice, il met en lumière :
- De nombreuses lettres envoyées à Hitler, témoignant de sa ferveur et de son dévouement au Führer
- Des clichés d’elle en compagnie des plus hauts dignitaires nazis dans des contextes privés
- Des témoignages d’anciens assistants évoquant son adhésion sincère au nazisme
- Des preuves de son information quant aux exactions et crimes nazis
Selon plusieurs historiens interrogés dans le documentaire, ces éléments démontrent que Leni Riefenstahl ne pouvait ignorer, au moment où elle les réalisait, que ses films servaient la propagande d’un régime criminel, et qu’elle en était parfaitement consciente et consentante.
L’impossible rédemption d’un génie maudit
Pour beaucoup, ce documentaire scelle le destin de Leni Riefenstahl dans l’Histoire : celui d’une artiste de génie, pionnière du 7e Art, mais irrémédiablement entachée par sa collaboration active avec l’un des régimes les plus meurtriers du XXe siècle. Un paradoxe qui soulève une question morale et esthétique épineuse :
Peut-on dissocier l’œuvre de l’artiste et du contexte qui l’a vu naître ? Le talent excuse-t-il l’engagement coupable ?
Une critique de cinéma
Difficile d’imaginer aujourd’hui admirer Les Dieux du stade sans penser à l’horreur nazie que ses images subliment. Si l’Histoire semble avoir tranché, le débat, lui, reste ouvert.