Alors que les rebelles syriens mènent une vaste offensive dans le nord du pays, la Turquie observe la situation avec prudence, tout en y voyant de potentielles opportunités. Ankara, qui accueille près de 3 millions de réfugiés syriens sur son sol, espère qu’une évolution favorable du conflit permettra le retour d’une partie d’entre eux. La Turquie voit aussi dans cette offensive l’occasion d’affaiblir la menace kurde à sa frontière sud.
Un soutien turc en coulisses à l’offensive rebelle ?
Si officiellement la Turquie se tient à distance de l’offensive, certains experts estiment qu’Ankara coopère en réalité de longue date avec le groupe rebelle Hayat Tahrir al-Sham (HTS), fer de lance de l’opération. Selon des sources proches du dossier, la Turquie aurait dans un premier temps retenu les rebelles, avant de leur donner son feu vert suite à l’échec des tentatives de normalisation des relations avec Damas.
HTS, un allié encombrant pour Ankara
Les relations entre la Turquie et le groupe rebelle islamiste HTS sont complexes. Si Ankara a combattu son expansion par le passé, la Turquie a aussi fait pression pour que le groupe rompe avec Al-Qaïda et épargne les minorités. Un exercice d’équilibriste délicat pour le pouvoir turc.
Le HTS d’aujourd’hui n’est plus celui de 2020
– Ömer Özkizilcik, chercheur associé à l’Atlantic Council
L’épineuse question des relations turco-syriennes
Ankara et Damas ont rompu leurs relations diplomatiques en 2011. Mais en 2022, le président Erdogan a tendu la main à Bachar al-Assad, se disant prêt à le rencontrer. Une main tendue restée sans réponse, le dirigeant syrien conditionnant toute discussion au retrait des troupes turques de Syrie. Un dossier au point mort, malgré la médiation russe.
La Turquie, acteur incontournable en Syrie
Avec ses incursions répétées et ses zones sous contrôle dans le nord syrien, la Turquie s’est imposée comme un acteur majeur du conflit. Son objectif : éloigner la menace kurde de sa frontière, Ankara considérant les milices kurdes syriennes comme une émanation du PKK. Avec l’évolution de la situation, la Russie et l’Iran pourraient être contraints de négocier avec la Turquie pour trouver une issue politique au conflit syrien.
Quel avenir pour les Kurdes de Syrie ?
La situation des forces kurdes en Syrie semble se compliquer. Selon certaines sources, des groupes rebelles pro-turcs auraient repris aux Kurdes le contrôle de Tal Rifaat, ville stratégique proche de la frontière turque. La Turquie a par ailleurs annoncé la mort d’un responsable local du PKK dans la zone. Ankara a prévenu qu’elle ne permettrait pas aux « organisations terroristes » de profiter du chaos syrien. L’avenir des Kurdes de Syrie semble plus que jamais incertain.
Si la Turquie observe officiellement une prudente réserve face à l’offensive rebelle en Syrie, elle pourrait bien en être, en coulisses, un acteur clé. Entre enjeux sécuritaires et question des réfugiés, Ankara entend peser de tout son poids dans le dossier syrien. Reste à savoir si la Turquie parviendra, au fil de ce conflit complexe et des jeux d’alliances mouvants, à faire prévaloir ses intérêts.