Au fin fond des forêts luxuriantes du Piémont italien, un trésor se cache sous terre. La truffe blanche d’Alba, champignon souterrain réputé dans le monde entier pour son parfum envoûtant et sa saveur incomparable, est aujourd’hui menacée. Ce joyau de la gastronomie, surnommé “l’or blanc”, est victime des ravages du changement climatique qui met en péril son habitat naturel fragile.
Une chasse au trésor en péril
Chaque automne, les chasseurs de truffes arpentent les sentiers forestiers escarpés accompagnés de leurs fidèles compagnons à quatre pattes. Mais ces dernières années, leurs quêtes se révèlent de plus en plus ardues. Carlo Marenda, chasseur passionné et fondateur de l’association “Save the truffle”, tire la sonnette d’alarme :
La prolongation de l’été et les variations brusques de température fragilisent l’habitat de la truffe blanche. La production est en baisse et les récoltes se font plus rares.
Carlo Marenda, chasseur de truffes
En effet, ce champignon capricieux a besoin d’un savant équilibre entre froid et humidité pour se développer en symbiose avec les racines de certains arbres. Mais le réchauffement climatique, la sécheresse et la déforestation bouleversent cet écosystème délicat, menaçant la survie même de la truffe blanche.
Un héritage à préserver
Face à ce déclin alarmant, les “trifulau”, les chasseurs de truffes, se mobilisent. Initié dès son plus jeune âge par le légendaire Giuseppe “Notu” Giamesio, dernier descendant d’une lignée de chasseurs centenaire, Carlo Marenda perpétue cet héritage avec ferveur. Avant de s’éteindre, Notu lui a confié ses chiens et son savoir, ainsi qu’un message crucial :
Si nous voulons éviter la disparition de la truffe, nous devons protéger les forêts, cesser de polluer les cours d’eau et planter de nouveaux arbres truffiers.
Giuseppe “Notu” Giamesio, chasseur de truffes
Fidèle à cet enseignement, l’association “Save the truffle” œuvre sans relâche. Grâce à des dons et au soutien de viticulteurs locaux, plus de 700 arbres truffiers ont été replantés dans la région, restaurant peu à peu l’habitat naturel de ce champignon d’exception.
Une lutte contre la montre
Mais la route est encore longue. En 30 ans, les surfaces dédiées à la truffe blanche en Italie ont chuté de 30%, cédant la place à des cultures plus rentables comme la vigne et le noisetier. Et les aléas climatiques ne font qu’aggraver la situation. Mario Aprile, président de l’association des chercheurs de truffes piémontais, s’inquiète :
La truffe blanche n’est pas encore une espèce en voie de disparition, mais si nous n’agissons pas, elle risque de le devenir. Sans arbres, il n’y a pas de truffes. Nous devons reconstruire la biodiversité.
Mario Aprile, président de l’association des chercheurs de truffes piémontais
D’autant que la demande pour ce diamant de la gastronomie ne cesse de croître, faisant flamber les prix. Cette année, le kilo de truffe blanche s’est échangé jusqu’à 4500 euros à la foire d’Alba. Un engouement qui accentue la pression sur une ressource déjà fragilisée.
Unis pour sauver un patrimoine
Face à l’ampleur du défi, les acteurs de la filière truffière se rassemblent. Chasseurs, chercheurs, viticulteurs et chefs étoilés unissent leurs forces pour préserver ce trésor végétal, inscrit depuis 2021 au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO.
Des initiatives fleurissent, de la replantation d’arbres à la sensibilisation du grand public en passant par la recherche scientifique. Car sauver la truffe blanche d’Alba, c’est protéger tout un écosystème, un savoir-faire ancestral et un pan de l’identité culturelle du Piémont.
La lutte s’annonce ardue, mais l’espoir demeure. Pour que longtemps encore, l’or blanc continue de parfumer les assiettes des gourmets et d’enchanter les papilles. Un trésor à chérir, un héritage à transmettre aux générations futures. La truffe blanche d’Alba, joyau menacé mais résolument vivant, symbole d’une nature précieuse qu’il nous appartient de préserver.