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La Tanzanie lance une enquête sur la relocalisation controversée des Massaï

Deux commissions d'enquête viennent d'être créées pour faire la lumière sur la relocalisation controversée de plus de 82 000 Massaï en Tanzanie. Les autorités sont accusées d'expulsions forcées et de déni d'accès aux services essentiels pour cette communauté autochtone vivant dans le district de Ngorongoro, au cœur d'une région touristique réputée. Un dossier brûlant qui soulève de vives tensions...

Au cœur de la Tanzanie, dans le nord du pays, le district de Ngorongoro est depuis plus de deux ans le théâtre de vives tensions entre les autorités et la communauté autochtone des Massaï. En cause : un programme controversé de relocalisation de plus de 82 000 Massaï vivant dans cette région touristique réputée pour son célèbre cratère, classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Face à l’ampleur de la polémique, la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan vient d’annoncer la création de deux commissions d’enquête pour faire la lumière sur ce dossier brûlant.

Un programme de relocalisation volontaire ou des expulsions forcées ?

Lancé en 2022, le plan gouvernemental prévoit le déplacement d’environ 82 000 Massaï du district de Ngorongoro vers le village de Msomera, situé à près de 600 kilomètres à l’est. Officiellement, il s’agit d’un programme de « relocalisation volontaire ». Mais sur le terrain, la réalité semble tout autre. Des militants des droits humains et l’opposition tanzanienne dénoncent de véritables « expulsions », tandis que les Massaï accusent le gouvernement de vouloir les déplacer pour pouvoir organiser des safaris et de lucratives parties de chasse privées dans la région.

L’ensemble du processus de relocalisation fera l’objet d’une enquête, car certains membres de la communauté se sont plaints.

– Samia Suluhu Hassan, présidente de la Tanzanie

De leur côté, les autorités tanzaniennes rejettent en bloc ces accusations. Elles affirment que face à la population croissante des Massaï et de leurs troupeaux, elles souhaitent avant tout « protéger » la faune et la flore sur une zone de près de 1 500 km2 dans le district de Ngorongoro. Un argument qui peine à convaincre les principaux intéressés et les défenseurs des droits humains.

Un rapport accablant de Human Rights Watch

Dans un rapport publié en juillet dernier, l’ONG Human Rights Watch (HRW) a appelé le gouvernement tanzanien à « mettre un terme à ces réinstallations et à respecter les droits des peuples autochtones ». Selon l’organisation, les Massaï sont en réalité « expulsés de force sous couvert de relocalisation volontaire ». Le document souligne notamment que des rangers présents à Ngorongoro ont « attaqué, battu et harcelé les habitants s’ils ne respectaient pas les règles du gouvernement ».

Toujours d’après HRW, les autorités ont également réduit le financement des infrastructures scolaires et de santé dans la région, limitant dangereusement l’accès de la communauté massaï aux soins essentiels. Une situation qui les oblige à parcourir de longues distances pour tenter d’y avoir accès malgré tout.

L’enquête de la présidente, un espoir pour les Massaï ?

Lors d’une rencontre avec des chefs coutumiers massaï à Arusha dans le nord du pays, la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan a donc annoncé la création de deux commissions d’enquête indépendantes. Leur mission : apporter des réponses aux plaintes et préoccupations exprimées par certains membres de la communauté au sujet de ce programme de relocalisation.

Permettez-moi de créer deux commissions qui apporteront des réponses correctes à vos préoccupations.

– Samia Suluhu Hassan, présidente de la Tanzanie

Selon la cheffe de l’État, le travail de ces « équipes indépendantes » portera notamment « sur les questions foncières, comme les revendications d’empiétement sur les terres communautaires » des Massaï. Mais aussi sur les accusations de déni d’accès à certains services de base dans la région de Ngorongoro.

Une annonce accueillie avec un mélange d’espoir et de méfiance par les représentants massaï. Car au-delà de l’enquête, c’est bien le sort de plus de 82 000 membres de cette communauté autochtone qui est en jeu. Entre la préservation de leur mode de vie ancestral et les impératifs économiques liés au tourisme, le gouvernement tanzanien joue un jeu d’équilibriste périlleux.

Le tourisme, au cœur des enjeux

Car la Tanzanie est réputée dans le monde entier pour ses parcs naturels d’exception, à l’image de Ngorongoro ou encore du Serengeti. Un secteur touristique florissant qui a généré pas moins de 3,37 milliards de dollars en 2023, soit 3,1 milliards d’euros. Avec des arrivées de touristes étrangers en hausse de 24% par rapport à l’année précédente selon les données officielles.

Un jackpot que les autorités n’ont visiblement pas l’intention de mettre en péril. Quitte à bousculer les fragiles équilibres qui régissent la vie des communautés autochtones installées sur ces terres depuis des siècles ? C’est tout l’enjeu du délicat dossier sur lequel vont devoir se pencher les deux commissions d’enquête. Avec à la clé, des réponses très attendues par les Massaï de Tanzanie et tous les défenseurs des droits humains qui suivent l’affaire de près.

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