Un vent de panique souffle sur la Syrie. Depuis le 27 novembre, une coalition de rebelles menée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Cham (HTS) mène une offensive fulgurante dans le nord-ouest du pays. Leur objectif : la ville stratégique de Hama, verrou sur la route reliant Alep à la capitale Damas. Face à cette menace, les forces loyalistes tentent de leur barrer la route, avec le soutien de l’aviation russe qui pilonne les positions rebelles.
Alep aux mains des rebelles, les civils fuient
Première conséquence de cette escalade brutale : pour la première fois depuis 2011 et le début de la guerre civile, le régime a totalement perdu le contrôle d’Alep, deuxième ville du pays. À l’exception des quartiers nord à majorité kurde, l’ensemble de la cité est tombé aux mains des rebelles, dont certains groupes sont soutenus par la Turquie voisine.
Face à l’avancée des insurgés, c’est la panique. Selon le bureau des Affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), plus de 48 500 personnes, dont une majorité d’enfants, ont fui les régions d’Idleb et du nord d’Alep. Parmi eux, des milliers de Kurdes syriens tentent de gagner plus à l’est les zones contrôlées par les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition kurdo-arabe.
.@HeySetareh, Communications Director for SAMS, provides an update on our medical relief efforts in NW #Syria following the recent escalation of hostilities & its devastating impact on civilians. Please support our live-saving work by donating today: https://t.co/BDu3oKcGH3 pic.twitter.com/qxWyVIuvv3— SAMS (@sams_usa) December 6, 2022
Violents combats au nord de Hama
Mais la bataille fait rage, en particulier au nord de Hama. D’après l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les affrontements y sont d’une violence inouïe, alors que l’aviation russe et syrienne mène des dizaines de frappes sur les positions rebelles. Ces derniers ont néanmoins pris le contrôle de plusieurs localités de la région.
Nous progressons vers Hama après avoir nettoyé les localités qui y mènent.
Aboul Houda Sourani, un combattant rebelle
Lundi, la ville elle-même a été bombardée par les rebelles à coups de roquettes, faisant six morts parmi les civils selon l’OSDH. Depuis le début de l’offensive le 27 novembre, les combats et bombardements dans le nord-ouest ont fait 514 morts, dont 92 civils.
La « terreur » des frappes aériennes à Idleb
Plus à l’ouest, à Idleb, bastion historique de la rébellion, la situation est tout aussi dramatique. Pilonnée par l’aviation syrienne et russe en représailles à l’offensive rebelle, la région vit dans la peur. Hussein Ahmar Khader, un enseignant ayant survécu à une frappe sur le camp de déplacés de Haranabouch, témoigne :
Je ne peux décrire la terreur que nous avons ressentie.
Hussein Ahmar Khader, enseignant rescapé d’une frappe aérienne à Idleb
Incertitude à Alep, appels à la désescalade
De retour à Alep, c’est l’incertitude qui règne. Selon un habitant joint par une source proche du dossier, les rebelles n’ont pour l’instant importuné personne. Certains miliciens auraient cependant demandé aux jeunes filles de se voiler. Mais les civils redoutent la suite des événements dans cette ville de près de 2 millions d’âmes.
Face à cette escalade brutale, la communauté internationale appelle à la retenue. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a exhorté à un « cessez-le-feu immédiat », suivi par les États-Unis et l’Union européenne qui ont condamné les frappes russes sur les zones densément peuplées.
Un conflit aux enjeux géopolitiques complexes
Mais le président syrien Bachar al-Assad voit dans cette offensive une volonté de « redessiner la carte régionale conformément aux intérêts de l’Amérique et de l’Occident ». Ses principaux alliés, la Russie et l’Iran, lui ont réaffirmé leur soutien « inconditionnel » tout en appelant à une coordination avec la Turquie qui soutient certains groupes rebelles.
Car au-delà du drame humanitaire, ce regain de violences en Syrie vient rappeler la complexité d’un conflit qui a morcelé le pays en différentes zones d’influence, où interviennent des puissances étrangères aux intérêts divergents. Un enchevêtrement géopolitique qui rend d’autant plus difficile toute perspective de paix, après bientôt 12 ans d’une guerre qui a déjà fait un demi-million de morts et des millions de déplacés.