Alors que des voix s’élèvent pour réclamer l’interdiction pure et simple du mouvement libanais Hezbollah, le gouvernement suisse a choisi de s’y opposer. Une position qui tranche avec celle adoptée il y a peu envers le Hamas palestinien, mais qui se veut pragmatique au vu du contexte géopolitique actuel.
Le Hezbollah échappe à l’interdiction en Suisse
C’est une décision qui ne manquera pas de faire réagir. Ce jeudi, le Conseil fédéral helvétique a annoncé son refus d’interdire le Hezbollah libanais sur le territoire suisse. Pourtant, des commissions parlementaires avaient appelé de leurs vœux une telle mesure, arguant de la nature « terroriste » du mouvement chiite pro-iranien.
Mais pour l’exécutif suisse, les conditions légales ne sont tout simplement pas remplies. En effet, le Hezbollah n’est actuellement ni interdit, ni sanctionné par les Nations Unies, ce qui empêche de fait la Suisse d’activer l’article 74 de sa loi sur le renseignement pour prononcer son interdiction.
Une « loi spéciale » jugée inopportune
Restait alors la possibilité de légiférer spécifiquement pour bannir le mouvement du territoire helvétique. Mais là encore, le gouvernement n’a pas jugé bon d’emprunter cette voie, estimant qu’il n’était « pas indiqué à l’heure actuelle d’interdire le Hezbollah en créant une nouvelle loi spéciale ».
Cette position se distingue de celle adoptée il y a quelques semaines à peine envers le Hamas palestinien. Suite aux attaques sans précédent menées par ce dernier contre Israël début octobre, les autorités suisses avaient en effet élaboré un projet de loi visant à proscrire le mouvement islamiste pour une durée de 5 ans.
Cohérence de la politique étrangère en question
Pour certains observateurs, ce « deux poids, deux mesures » interroge quant à la cohérence de la politique étrangère suisse. Des sources proches de plusieurs commissions parlementaires ont ainsi souligné que « le Hezbollah, tout comme le Hamas, est une organisation terroriste islamiste radicale responsable de nombreux actes de violence et de violations des droits humains ».
Le soutien idéologique et financier que lui apporte le régime iranien montre clairement qu’il n’est pas seulement dirigé contre l’État d’Israël, mais qu’il représente également une menace pour la stabilité de toute la région.
Une source proche d’une commission de la chambre basse du Parlement suisse
Des arguments que le gouvernement ne semble pas totalement partager, ou du moins pas au point de franchir le pas d’une interdiction en bonne et due forme. Il faut dire que la décision intervient dans un contexte particulièrement tendu, alors qu’une trêve des plus fragiles est entrée en vigueur entre Israël et le Hezbollah après une véritable escalade meurtrière.
Le spectre d’un embrasement régional
Déclenchée au lendemain de l’attaque du Hamas en territoire israélien le 7 octobre dernier, cette « guerre » aura coûté la vie à des milliers de personnes au Liban et provoqué d’immenses mouvements de population des deux côtés de la frontière. Un bilan très lourd qui a sans doute pesé dans la balance au moment de statuer sur le sort du Hezbollah en Suisse.
Car une interdiction aurait pu être perçue comme une provocation susceptible de mettre le feu aux poudres dans une région déjà à fleur de peau. Le gouvernement suisse semble avoir préféré la prudence, quitte à s’attirer les critiques de ceux qui prônent une ligne dure face aux mouvements radicaux.
Le parlement aura le dernier mot
Reste maintenant à voir quelle sera la réaction des parlementaires helvétiques. Ces derniers examineront la position du gouvernement lors de la session qui se tiendra du 2 au 20 décembre prochain. Ils se prononceront également sur le projet de loi interdisant le Hamas.
Si la position du Conseil fédéral est suivie, cela signifiera que la Suisse continue de considérer le Hezbollah comme un acteur politique et militaire à part entière au Liban, en dépit de ses accointances troubles avec l’Iran et de ses actions violentes par le passé. Une position pragmatique, mais qui ne fait pas l’unanimité sur la scène intérieure.
Il n’est donc pas exclu que les députés décident de passer outre l’avis du gouvernement et votent malgré tout l’interdiction du « Parti de Dieu ». Auquel cas, la Suisse rejoindrait la liste des pays européens ayant déjà franchi le pas, à l’image de l’Allemagne ou du Royaume-Uni.
Une chose est sûre : le débat promet d’être animé et le résultat scruté de près, bien au-delà des frontières helvétiques. Dans un Moyen-Orient plus que jamais sous tension, la position de la Suisse sera lue comme un signal politique fort, dans un sens ou dans l’autre.