Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, la Suisse avait ouvert grand ses portes aux réfugiés ukrainiens, leur octroyant un statut de protection temporaire via une procédure accélérée. Mais lundi, les parlementaires suisses ont décidé de resserrer les conditions d’accès à ce précieux sésame. Une décision lourde de conséquences pour les Ukrainiens cherchant refuge en Suisse.
Un vote qui divise
C’est par 96 voix contre 87 que la chambre basse du Parlement suisse a adopté un texte limitant l’octroi du statut S uniquement aux Ukrainiens venant de régions occupées par la Russie ou touchées par les combats. Un vote similaire avait déjà eu lieu en début d’année à la chambre haute, malgré l’opposition du gouvernement.
Pour les partisans de cette restriction, emmenés par l’Union démocratique du centre (UDC, droite radicale), il était nécessaire de durcir les conditions car « il n’y a plus de combats dans de grandes parties de l’Ukraine ». Ils mettent en avant la « grande solidarité » dont aurait fait preuve la population suisse, tout en prévenant que celle-ci « atteint ses limites quand le poids devient trop grand, et que les abus augmentent ».
Près de 66 000 Ukrainiens concernés
A la fin du mois d’août, près de 66 000 Ukrainiens bénéficiaient du statut S en Suisse selon les chiffres du gouvernement. Les nouvelles restrictions ne s’appliqueront cependant qu’aux nouvelles demandes, le statut restant en vigueur tant que la stabilité ne sera pas revenue en Ukraine.
Le gouvernement opposé aux restrictions
De son côté, le ministre suisse de la Justice Beat Jans a fermement contesté ce durcissement, assurant qu’il n’y avait « pas de zone sûre en Ukraine » à l’heure actuelle:
Même loin du front, les attaques russes avec des bombes, des missiles et des drones continuent.
Beat Jans, ministre suisse de la Justice
Selon lui, ce vote controversé « ne fait qu’aider la Russie » en minant « la solidarité européenne » et donc en faisant « le jeu de la Russie ».
Quel impact pour les réfugiés ukrainiens ?
Si les 66 000 Ukrainiens déjà au bénéfice du statut S ne sont pas directement touchés, ce durcissement risque de compliquer grandement la situation des futurs arrivants. Ils devront désormais prouver qu’ils viennent d’une zone de combat ou occupée, une tâche souvent ardue pour des personnes fuyant la guerre.
De plus, les critères de ces « zones éligibles » au statut S restent flous. Qu’en sera-t-il des Ukrainiens venant de régions épargnées par les combats mais souffrant des pénuries et coupures causées par la guerre ? Ou de ceux ayant transité par d’autres pays avant de rejoindre la Suisse ?
Autant de questions qui devront être clarifiées dans la mise en œuvre de ces nouvelles règles. Mais il est certain que de nombreux Ukrainiens se verront désormais refuser ce statut et contraints de passer par la procédure d’asile classique, bien plus longue et incertaine.
Un signal politique fort
Au-delà de l’impact concret sur l’accueil des réfugiés ukrainiens, ce vote est un signal politique majeur. En pleine guerre en Europe, la Suisse, pays neutre, semble vouloir refermer quelque peu ses portes et limiter son engagement.
Une décision en décalage avec la ligne européenne qui maintient un accueil large des Ukrainiens, et qui pourrait créer des tensions avec les partenaires de la Suisse. La question des réfugiés, déjà au cœur de nombreux débats en Europe, promet de continuer d’agiter la politique suisse dans les mois à venir.
Une chose est sûre : pour les Ukrainiens fuyant la guerre et espérant trouver refuge en Suisse, le chemin sera désormais plus difficile. Un nouveau défi pour ces populations déjà durement éprouvées par le conflit qui ravage leur pays depuis plus d’un an et demi.