Une nouvelle loi adoptée en Suède vient ébranler les fondements de l’État de droit au nom de la lutte contre le crime organisé. Depuis le 8 novembre, la police est autorisée à saisir des biens de luxe appartenant à des personnes soupçonnées d’avoir des liens avec des gangs criminels, et ce, même si aucune infraction n’est formellement reprochée aux propriétaires de ces objets de valeur.
En seulement une semaine, les forces de l’ordre ont déjà agi à 56 reprises, confisquant de l’argent liquide, des voitures, des motos, des montres et des sacs pour une valeur totale dépassant le million d’euros. Un butin conséquent qui soulève autant d’espoirs que d’inquiétudes dans un pays confronté à une criminalité galopante.
Une loi controversée pour endiguer les violences des gangs
La Suède, longtemps considérée comme un havre de paix, est aujourd’hui le théâtre de règlements de comptes sanglants orchestrés par des gangs en guerre pour le contrôle des trafics de drogues. Fusillades et attaques à l’explosif se multiplient, faisant régulièrement des victimes innocentes. Face à cette spirale meurtrière, le gouvernement de droite a décidé de frapper fort en s’attaquant au train de vie luxueux des criminels présumés.
Désormais, la police peut saisir les biens de valeur de personnes soupçonnées d’avoir des liens avec des gangs lorsqu’elle estime que ces articles ont été achetés avec des revenus illicites, et ce, même si les propriétaires ne sont pas formellement accusés d’un délit. Une voiture de sport conduite par un chômeur sans ressources légales peut ainsi être confisquée s’il ne peut justifier son achat.
Le plus grand changement depuis 1965 selon le Premier ministre
Pour le Premier ministre Ulf Kristersson, cette loi représente “la plus grande réforme depuis l’introduction du code pénal” en 1965. Un arsenal juridique inédit censé priver les criminels des fruits de leurs forfaits et dissuader les vocations. Mais cette approche musclée suscite de vives critiques chez les défenseurs des libertés publiques.
Nous sommes inquiets quant à l’État de droit, notamment sur le respect de la présomption d’innocence et les critères flous pour mener des perquisitions.
– Opposants à la loi, dont les médiateurs parlementaires
Des saisies qui doivent être validées par les tribunaux
Pour l’heure, les 56 saisies opérées doivent encore être approuvées par un tribunal. Un examen juridique censé éviter les dérives, mais qui soulève des doutes compte tenu du climat politique actuel. Beaucoup craignent que la pression de l’opinion publique et la volonté affichée du gouvernement de réprimer durement la criminalité n’influencent les juges.
Autre point sensible, l’application de cette loi aux mineurs de moins de 15 ans, l’âge de la responsabilité pénale en Suède. Engagés comme guetteurs ou même tueurs à gages par les gangs, ces adolescents constituent un maillon essentiel du système criminel. En permettant la saisie de leurs biens sans condamnation, la loi espère les priver de leur attrait pour une vie de voyou en or. Mais à quel prix pour les principes fondamentaux de la justice ?
La Suède à la croisée des chemins
Avec 53 morts dans 363 fusillades depuis le début de l’année, la Suède est confrontée à une criminalité hors de contrôle qui exige des réponses fortes. Mais jusqu’où peut-on rogner les libertés individuelles pour assurer la sécurité collective ? C’est tout le dilemme auquel sont confrontés les Suédois alors que leur modèle de société est mis à rude épreuve.
Entre ceux qui jugent cette loi liberticide et ceux qui la considèrent comme un mal nécessaire, le débat fait rage et divise profondément le pays. Une chose est sûre, la Suède est à la croisée des chemins. Les prochains mois seront décisifs pour savoir si cette stratégie controversée permettra d’endiguer la violence des gangs sans sacrifier l’âme de la nation sur l’autel de la lutte contre le crime.