La Suède, fraîchement intégrée à l’OTAN en avril dernier, vient de prendre une décision lourde de conséquences pour son avenir énergétique. Pas moins de 13 projets de parcs éoliens offshore, prévus le long de ses côtes en mer Baltique, ont été purement et simplement annulés. En cause : leur impact jugé « inacceptable » sur les capacités de défense de ce pays scandinave, selon les mots de la ministre de l’Environnement Romina Pourmokhtari.
Un choix dicté par les impératifs de sécurité nationale
Cette décision fait suite à une étude approfondie menée par les forces armées suédoises, dont les conclusions ont été rendues publiques vendredi dernier. Celle-ci met en évidence les interférences significatives que ces projets éoliens étaient susceptibles de générer sur les capteurs de la défense suédoise déployés en mer Baltique, à proximité immédiate de l’enclave russe de Kaliningrad.
En effet, les éoliennes, de par leurs tours imposantes et leurs pales en rotation, émettent de nombreux échos radars et autres perturbations, y compris sous la surface de l’eau. Ceci affecte par exemple la capacité à détecter d’éventuels sous-marins hostiles.
Au vu de la situation sécuritaire grave que connaît actuellement la Suède, les intérêts de la défense doivent peser plus lourd dans la balance.
– Pål Jonson, ministre suédois de la Défense
Selon les explications du ministre de la Défense Pål Jonson, le maintien de ces 13 parcs éoliens aurait eu pour conséquence de réduire drastiquement le délai d’alerte en cas d’attaque de missiles balistiques ou de croisière, le faisant passer de deux minutes à une seule. Un risque jugé inacceptable au regard du contexte géopolitique tendu.
L’ombre menaçante de l’enclave russe de Kaliningrad
La proximité de l’enclave russe « hautement militarisée » de Kaliningrad a été un élément déterminant dans la prise de décision du gouvernement suédois. Les 13 parcs éoliens étaient en effet prévus sur une zone s’étendant des îles Åland au nord jusqu’au détroit d’Öresund au sud, soit une vaste portion des côtes suédoises donnant directement sur cette région sous contrôle de Moscou.
L’adhésion à l’OTAN change la donne en mer Baltique
Il faut dire que les tensions n’ont cessé de croître dans cette région depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. L’adhésion de la Suède à l’OTAN, aux côtés de la Finlande, fait qu’aujourd’hui tous les États riverains de la mer Baltique, à l’exception notable de la Russie, sont membres de l’Alliance atlantique.
Cette nouvelle donne géostratégique n’a pas manqué de faire réagir Moscou, qui voit d’un très mauvais œil le renforcement de la présence militaire occidentale à ses portes. L’ouverture récente d’une nouvelle base de l’OTAN à Rostock en Allemagne, destinée à coordonner les forces navales alliées dans la région, a ainsi provoqué une vive réaction du Kremlin.
Un coup dur pour les ambitions éoliennes de la Suède
Si les impératifs de sécurité nationale ont primé dans cette décision, elle n’en constitue pas moins un sérieux revers pour les ambitions de la Suède en matière d’énergie éolienne offshore. Le pays scandinave fait en effet face à des besoins croissants en électricité, qui pourraient atteindre au moins 300 TWh d’ici 2045 selon les estimations, soit le double du niveau actuel.
Il est problématique que le gouvernement ferme, de manière catégorique, une zone entière de production potentielle d’électricité.
– Svensk vindkraft, association industrielle de l’éolien en Suède
Selon le ministre de la Défense, tout espoir n’est cependant pas perdu pour le développement de l’éolien offshore en Suède. Les zones situées au large de la côte sud-ouest du pays et dans la baie de Botnie seraient ainsi mieux adaptées pour accueillir de futurs parcs.
Cette affaire met en lumière toute la complexité de concilier transition énergétique et enjeux de défense dans un monde de plus en plus instable. Un défi de taille pour la Suède, qui devra plus que jamais faire preuve d’agilité et d’innovation pour atteindre ses objectifs en matière d’énergies renouvelables sans compromettre sa sécurité.