Il avait le don de faire frémir une salle d’audience par sa simple présence. André Mornet, procureur redoutable, a marqué l’histoire judiciaire française par ses réquisitoires sanglants durant la période trouble de l’épuration. Retour sur le parcours fascinant de celui qu’on surnommait le “Procureur de la Mort”.
Les débuts d’un avocat prometteur
Né en 1870, André Mornet débute sa carrière comme un brillant avocat du barreau de Paris. Élu premier secrétaire de la conférence du stage à seulement 27 ans, il semble promis à un avenir radieux dans la profession. Pourtant, il décide de bifurquer vers la magistrature, intégrant le parquet. Ce végétarien strict, abstème, cultive un mode de vie austère qui contraste avec la fougue de ses réquisitoires.
La condamnation à mort de Mata Hari
En 1917, André Mornet se fait remarquer lors du procès de Mata Hari, la célèbre danseuse et courtisane accusée d’espionnage. Aux côtés du capitaine Bouchardon, il forme un duo implacable. Son réquisitoire est sans appel :
Cette femme est sûrement la plus grande espionne de tous les temps. La mort, voilà ce que je demande à votre justice.
– André Mornet, lors du procès de Mata Hari
La danseuse sera condamnée et fusillée à l’aube du 15 octobre 1917, dans les fossés du château de Vincennes.
Un procureur sanglant durant l’épuration
Mais c’est durant la période troublée de l’épuration, après la Seconde Guerre mondiale, qu’André Mornet va véritablement se distinguer. Nommé procureur général, il est le maître d’œuvre de procès retentissants. Ses réquisitoires sont d’une violence rare, réclamant systématiquement la peine de mort pour les accusés.
- Le procès du maréchal Pétain en 1945
- L’affaire de la Gestapo française en 1944
- Le procès de Charles Maurras en 1945
Autant de procès où la voix d’André Mornet résonne, appelant à une justice expéditive et sans pitié. Sa réputation de “Procureur de la Mort” se forge dans le chaos de l’après-guerre.
Un héritage controversé
Le parcours d’André Mornet soulève encore aujourd’hui de nombreuses questions. Était-il un procureur zélé, mu par un sens aigu de la justice ? Ou un homme assoiffé de pouvoir, instrumentalisant des procès hautement politisés ?
André Mornet incarne à lui seul les excès de l’épuration judiciaire, une justice hâtive et partiale, où la présomption d’innocence était balayée.
– Marc Ferro, historien
Une chose est sûre : André Mornet a marqué de son empreinte l’histoire judiciaire française. Son destin fascinant nous plonge dans les heures sombres de l’épuration, questionnant les limites d’une justice d’exception. Plus de 70 ans après, l’ombre du “Procureur de la Mort” plane toujours sur les prétoires.