Dans les coulisses feutrées du Palais du Luxembourg, les jeux de pouvoir et d’influence battent leur plein. Et en ce mois d’octobre 2024, tous les regards sont braqués sur la commission des Lois du Sénat, dont la présidence est soudainement vacante suite à la nomination de François-Noël Buffet au ministère des Outre-mer. Une opportunité en or pour la sénatrice du Morbihan Muriel Jourda, qui vient d’être désignée par ses pairs Les Républicains pour briguer ce poste stratégique.
Une femme de poigne à la tête des Lois ?
Avocate de formation, Muriel Jourda n’est pas du genre à faire dans la dentelle. Élue au Sénat depuis 2017, elle s’est fait remarquer par ses positions fermes sur les questions régaliennes, n’hésitant pas à durcir le ton face au gouvernement. Son fait d’armes le plus marquant ? Son rôle clé dans l’élaboration de la très controversée loi immigration de 2023, dont elle fut la corapporteure.
Un texte qui avait fait grincer bien des dents, y compris dans la majorité présidentielle, mais qui avait valu à la sénatrice les félicitations appuyées de son mentor Bruno Retailleau. Pas étonnant donc que ce dernier, devenu depuis ministre de l’Intérieur, pousse aujourd’hui la candidature de sa protégée à la tête de la commission des Lois.
Un choix qui en dit long
Au-delà de la personne de Muriel Jourda, c’est bien la ligne politique de la droite sénatoriale qui transparaît dans cette nomination. En faisant le choix de l’intransigeance sur les sujets régaliens, LR entend peser de tout son poids face à un gouvernement jugé trop laxiste. Une posture qui n’est pas sans rappeler celle du Rassemblement national, avec qui la droite n’a pas hésité à voter la loi immigration l’an dernier.
Muriel Jourda incarne une ligne proche de celle de Bruno Retailleau. Elle avait notamment occupé le rôle de corapporteure de la dernière loi immigration, adoptée en décembre 2023 puis partiellement censurée par le Conseil constitutionnel.
– D’après une source proche du dossier
Un vote aux allures de formalité
Si la candidature de Muriel Jourda doit encore être validée par un vote de la commission le 23 octobre prochain, peu de suspense demeure quant à l’issue du scrutin. Un accord de longue date au sein de la majorité sénatoriale assure en effet à LR la présidence de cette instance clé, saisie de tous les textes touchant aux libertés publiques, au droit pénal ou encore aux collectivités territoriales.
Face à la menace d’une candidature dissidente de la gauche, la droite sénatoriale devrait donc resserrer les rangs derrière celle qui apparaît comme sa championne sur les questions de sécurité et d’immigration. Quitte à assumer une inflexion toujours plus à droite de sa ligne politique, au risque de s’aliéner une partie de son aile centriste.
Une future loi immigration encore plus dure ?
Avec l’arrivée probable de Muriel Jourda aux manettes de la commission des Lois, c’est peu dire que le projet de loi immigration porté par Bruno Retailleau s’annonce sous les meilleurs auspices. Le nouveau texte, qui doit reprendre les dispositions les plus sévères de la loi de 2023 censurées par le Conseil constitutionnel, pourra compter sur le soutien indéfectible de la sénatrice du Morbihan.
De quoi durcir encore un peu plus le bras de fer engagé avec l’exécutif sur ce dossier explosif. Et mettre une nouvelle fois la majorité présidentielle au pied du mur, tiraillée entre la tentation d’un compromis musclé avec la droite et le risque d’une fronde de son aile gauche. Nul doute que Muriel Jourda saura jouer de ce rapport de force pour imposer ses vues. Quitte à faire de l’hémicycle du Sénat le nouveau centre de gravité de la politique française.