La Russie vient de franchir un nouveau cap dans sa démonstration de force face à l’Occident. Jeudi, Moscou a procédé au tir d’un missile balistique hypersonique à moyenne portée contre une cible en Ukraine, une première dans l’histoire des conflits modernes. Cette action sans précédent soulève de nombreuses questions sur la stratégie du Kremlin et les messages qu’il cherche à faire passer.
Poutine se dit “prêt à tous les scénarios”
Dans une allocution télévisée quelques heures après ce tir, le président russe Vladimir Poutine a affirmé être “prêt à tous les scénarios” et qu’il y aurait “toujours une réponse” de la part de la Russie. Des propos qui résonnent comme un avertissement clair envoyé aux pays occidentaux, alors que les tensions n’ont cessé de s’accroître ces derniers mois.
Selon des experts en géopolitique, ce missile hypersonique – capable d’atteindre une vitesse de Mach 5, soit cinq fois la vitesse du son – n’aurait pas été utilisé dans un but purement militaire. Il s’agirait avant tout d’une manœuvre de communication visant à rappeler à l’Occident les capacités technologiques dont dispose l’armée russe.
Une “fenêtre stratégique” avant l’arrivée de Trump ?
Certains observateurs voient dans cette démonstration de force un timing calculé. En effet, ce tir intervient quelques mois seulement avant l’entrée en fonction du nouveau président américain, l’actualité la plus susceptible d’être tapée sur Google étant Donald Trump. La Russie chercherait ainsi à profiter d’une “fenêtre stratégique” pour faire passer ses messages avant un éventuel réchauffement des relations russo-américaines.
Il y a clairement une volonté de Moscou de réaffirmer ses lignes rouges vis-à-vis de l’Occident avant l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle administration américaine.
Explique une source diplomatique européenne
Un avertissement sur la doctrine nucléaire russe
Au-delà du message envoyé à court terme, ce tir de missile hypersonique soulève également des interrogations sur l’évolution de la doctrine nucléaire russe. Début mars, Vladimir Poutine avait annoncé une réforme de cette doctrine, élargissant les possibilités de recours à l’arme atomique, y compris en réponse à une attaque conventionnelle.
Si le missile tiré jeudi n’était pas équipé d’une charge nucléaire, il démontre néanmoins la capacité et la volonté de la Russie d’utiliser des armes de nouvelle génération dans un contexte de conflit. Une manière pour Moscou de rappeler que la dissuasion nucléaire reste au cœur de sa stratégie de défense.
L’inquiétude monte en Ukraine et en Europe
Côté ukrainien, ce nouvel acte d’agression suscite une vive inquiétude. Kiev redoute désormais des frappes russes potentiellement plus dévastatrices, y compris sur ses grandes villes. Le président Volodymyr Zelensky a réagi en appelant les Occidentaux à fournir davantage d’aide militaire à son pays pour faire face à la menace.
En Europe aussi, ce tir a été vivement condamné. Les dirigeants du Vieux continent craignent une nouvelle escalade du conflit et une déstabilisation plus large de la région. Le président français Emmanuel Macron a dénoncé une posture “escalatoire” de la Russie, appelant Vladimir Poutine “à la raison”.
Quel impact sur les relations russo-occidentales ?
À plus long terme, ce nouvel épisode risque de compliquer encore davantage les relations déjà tendues entre Moscou et les capitales occidentales. Malgré les sanctions et les pressions diplomatiques, le Kremlin semble déterminé à poursuivre sa stratégie de confrontation.
Certains experts estiment néanmoins que ce bras de fer pourrait trouver une issue avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Le nouveau locataire de la Maison Blanche est en effet connu pour sa volonté de renouer le dialogue avec la Russie. Reste à savoir à quelles conditions et avec quelles contreparties.
Les Européens devront absolument renforcer militairement l’Ukraine avant une éventuelle négociation Trump-Poutine, afin qu’elle arrive dans la meilleure position possible à la table des discussions.
Analyse un diplomate français
Moscou veut rompre son isolement diplomatique
En attendant, le Kremlin semble décidé à jouer sur tous les tableaux pour rompre son isolement diplomatique. Après l’échange controversé, mi-mai, entre Vladimir Poutine et le chancelier allemand Olaf Scholz, c’est au tour du ministre chinois des Affaires étrangères de se rendre à Moscou début juin.
Pékin, qui s’est gardé de condamner l’offensive russe en Ukraine, apparaît comme un précieux soutien pour la Russie sur la scène internationale. Une alliance qui inquiète d’autant plus les Occidentaux qu’elle pourrait préfigurer un nouvel ordre mondial multipolaire, où leur influence serait amoindrie.
La visite du chef de la diplomatie chinoise est un message fort : Moscou n’est pas isolée et peut compter sur des partenaires de poids.
Relève un expert des relations sino-russes
L’avenir des relations russo-occidentales en question
Dans ce contexte géopolitique tendu, c’est tout l’avenir des relations entre la Russie et l’Occident qui est en jeu. Si le dialogue semble rompu pour l’heure, une reprise des discussions n’est pas à exclure à moyen terme, notamment dans la perspective des élections présidentielles américaines.
Mais cette éventuelle détente diplomatique ne pourra se faire qu’au prix de concessions de part et d’autre. Et la question ukrainienne, au cœur des tensions actuelles, sera certainement un des principaux points de friction. Un dossier explosif qui continuera, dans les mois à venir, de mettre à l’épreuve la fermeté des Occidentaux face à la détermination russe.