Alors que les derniers militaires français quittaient précipitamment la Centrafrique fin 2016, personne n’imaginait qu’une autre puissance s’intéresserait à ce pays oublié de tous. C’était sans compter sur la stratégie de la Russie, qui a profité du vide laissé par la France pour étendre son influence en Afrique, avec l’aide des mercenaires de Wagner. Un scénario qui s’est répété quelques années plus tard au Mali.
La France commet l’erreur de se retirer de Centrafrique
En octobre 2016, les derniers soldats de l’opération Sangaris s’envolent de Bangui, mettant fin à 3 ans d’intervention censée stabiliser la Centrafrique. Les autorités centrafricaines se plaignent de ce départ « précipité », craignant un retour du chaos. Mais Paris reste sourd à ces appels. « On revient en Centrafrique tous les dix ans » ironise un officier français, persuadé que la situation ne peut que se dégrader à nouveau.
Cette erreur d’appréciation va coûter cher à la France. Car dans l’ombre, la Russie guette l’opportunité de prendre pied en Afrique. Tout à sa stratégie de nuisance contre l’Occident, Moscou voit dans cette ancienne colonie oubliée de tous un laboratoire idéal pour tester son « savoir-faire ».
Les paramilitaires de Wagner s’engouffrent dans la brèche
Dès 2017, les mercenaires du groupe Wagner débarquent discrètement à Bangui. Officiellement, ces « instructeurs » sont là pour former l’armée centrafricaine. En réalité, Moscou a signé des accords de défense très avantageux, obtenant des concessions minières en échange d’une sécurité bien relative. Les hommes de Wagner quadrillent la capitale et certaines zones clés.
En quelques mois, la Russie a réussi son implantation en Centrafrique, profitant du vide laissé par le départ français. Un scénario qui va se répéter comme un copier-coller au Mali quelques années plus tard.
Au Mali, Wagner profite du chaos post-Barkhane
En 2022, c’est au tour du Mali de voir les militaires français plier bagage, sur fond de tensions avec la junte au pouvoir. L’opération anti-djihadiste Barkhane prend fin après 9 ans, laissant le pays dans une situation sécuritaire précaire. Comme un air de déjà-vu, les mercenaires de Wagner s’engouffrent dans la brèche.
D’après des sources proches du dossier, le groupe paramilitaire russe aurait signé un juteux contrat avec Bamako. En échange de leur « protection », les hommes de Wagner obtiendraient un accès privilégié aux ressources naturelles du Mali. Une méthode déjà éprouvée en Centrafrique, qui semble porter ses fruits.
La Russie profite des erreurs stratégiques de la France
En se retirant précipitamment de Centrafrique puis du Mali, la France a commis une erreur stratégique majeure. Paris a sous-estimé la capacité de nuisance de Moscou et son appétit pour l’Afrique. En laissant ces pays livrés à eux-mêmes, sans réelle stratégie de long terme, la France a offert un boulevard à la Russie.
Les « instructeurs » de Wagner sont devenus les nouveaux faiseurs de roi sur le continent, profitant du vide sécuritaire et de la faiblesse des États. Leur méthode est simple mais redoutable : en échange d’une sécurité toute relative, ils obtiennent des leviers économiques et politiques considérables.
L’aveuglement des puissances occidentales
Plus largement, l’implantation réussie de la Russie en Centrafrique puis au Mali révèle l’aveuglement des puissances occidentales. Obnubilées par la lutte anti-terroriste, elles ont négligé de bâtir un véritable projet politique et de développement pour ces pays fragiles. Une erreur dont Moscou a su tirer parti, en avançant ses pions méthodiquement.
Les Occidentaux ont cru qu’il suffisait d’apporter la sécurité. Mais sans vision de long terme, c’était ouvrir un boulevard à d’autres acteurs comme la Russie.
Un expert de la région cité par une source proche
Aujourd’hui, la Russie a pris pied durablement en Centrafrique et au Mali, deux pays qui semblaient pourtant acquis à l’influence française. Demain, d’autres États fragilisés pourraient suivre le même chemin, si les Occidentaux ne tirent pas les leçons de leurs erreurs. Car Moscou a démontré qu’il pouvait, avec des moyens limités mais une stratégie habile, grignoter des parts d’influence en Afrique.
L’Afrique, nouveau terrain de jeu des puissances
Ces dernières années, le continent est devenu un véritable échiquier géopolitique où s’affrontent les grandes puissances. Chine, Russie, Turquie, États du Golfe… Tous cherchent à étendre leur influence, profitant de la faiblesse des États et du recul des anciens partenaires occidentaux.
Dans cette nouvelle « ruée vers l’Afrique », la Russie a su jouer habilement ses cartes, misant sur son image de « puissance anti-impérialiste » et sur l’efficacité de ses outils hybrides comme Wagner. Une stratégie payante à court terme, mais qui pourrait se retourner contre Moscou à l’avenir.
Les Africains ne sont pas dupes. Ils savent que la Russie défend avant tout ses propres intérêts. Mais pour l’instant, Moscou apparaît comme une alternative crédible à l’Occident.
Un diplomate africain cité par une source proche
Car à trop miser sur Wagner et ses mercenaires, la Russie prend le risque de se couper des opinions publiques africaines, qui pourraient se lasser des exactions de ces « soldats de fortune ». Moscou devra aussi composer avec la défiance croissante des Occidentaux, qui voient d’un très mauvais œil cette implantation russe sur le continent.
Pour la France, l’heure des choix stratégiques
Face à cette nouvelle donne, la France se retrouve à la croisée des chemins. Va-t-elle continuer à se désengager militairement du continent, au risque de laisser le champ libre à d’autres puissances ? Ou au contraire tenter de reconquérir son influence, en misant sur de nouveaux partenariats plus équilibrés ?
Une chose est sûre : l’époque où l’Afrique était la chasse gardée de l’ancienne puissance coloniale est révolue. Dans un monde multipolaire, la France devra faire preuve d’inventivité et d’humilité pour garder une place de choix sur le continent. Et surtout, elle devra tirer les leçons de ses erreurs passées.
Car en Centrafrique comme au Mali, la Russie a su exploiter avec cynisme mais efficacité le vide stratégique laissé par le départ français. Une leçon que Paris serait inspiré de méditer, avant que son influence en Afrique ne se réduise comme peau de chagrin.