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La Royal Navy Traque un Sous-Marin Russe dans la Manche

Pendant trois jours entiers, un hélicoptère et un navire britannique ont collé aux basques d’un sous-marin russe dans la Manche. Il n’a jamais plongé… mais la Royal Navy était prête à tout. Pourquoi cette traque discrète révèle une menace bien plus large que l’on croit ?

Imaginez la Manche en plein hiver, des vagues courtes et rageuses, un vent à décorner les bœufs. Et au milieu de ce chaos, un immense sous-marin noir, siglé d’une étoile rouge, qui avance tranquillement en surface… suivi à la trace par un hélicoptère britannique. Cette scène n’est pas tirée d’un film d’espionnage. Elle s’est déroulée il y a peu, et elle dit beaucoup de l’état actuel des relations entre Londres et Moscou.

Une traque de 72 heures dans les eaux de la Manche

La Royal Navy a révélé avoir suivi pendant trois jours complets le sous-marin de classe Kilo Krasnodar et son remorqueur d’assistance Altay. Le bâtiment russe, réputé pour sa discrétion exceptionnelle, est entré dans la Manche par le détroit du Pas-de-Calais après avoir longé la mer du Nord.

Pour cette mission, les Britanniques ont mobilisé un navire ravitailleur doté d’un hélicoptère embarqué capable de déployer des sonars trempés et des torpilles. L’opération s’est déroulée dans des conditions météorologiques particulièrement difficiles, mais le sous-marin russe est resté en surface tout du long.

Une fois le convoi arrivé au large de l’île d’Ouessant, au nord-ouest de la France, la Royal Navy a transmis la surveillance à un allié de l’OTAN, probablement la Marine nationale française.

Le Kilo Krasnodar, un fantôme des mers

La classe Kilo, surnommée “black hole” (trou noir) par l’OTAN, est conçue pour être presque indétectable une fois en immersion. Silencieux, équipé de torpilles lourdes et de missiles de croisière Kalibr, le Krasnodar représente une menace sérieuse menace pour les lignes de communication maritimes européennes.

Le fait qu’il soit resté en surface peut s’expliquer par plusieurs raisons : obligation légale dans certaines zones étroites, volonté de ne pas provoquer d’incident, ou simple démonstration de force tranquille. Quoi qu’il en soit, les Britanniques n’ont pris aucun risque.

Nous sommes prêts à enclencher immédiatement des opérations anti-sous-marines si nécessaire.

Communiqué officiel de la Royal Navy

Une activité russe en forte hausse

Ce n’est pas un incident isolé. Londres affirme que l’activité des sous-marins russes autour des îles britanniques a augmenté de 30 % ces deux dernières années. En juillet déjà, le même type d’opération avait été mené contre le sous-marin Novorossiïsk.

Ces incursions répétées s’inscrivent dans une stratégie plus large de Moscou : tester les temps de réaction des marines occidentales, cartographier les fonds marins, et rappeler sa capacité à menacer les câbles sous-marins de communication qui transportent 99 % du trafic internet mondial.

Réponse britannique : investissements massifs

Face à cette menace, le ministre de la Défense John Healey lancé un vaste programme pluriannuel de plusieurs centaines de millions de livres pour moderniser les capacités anti-sous-marines de la Royal Navy.

Parmi les mesures phares :

  • Acquisition de nouveaux sonars ultra-performants
  • Renforcement des patrouilles aériennes avec des Poseidon P-8
  • Développement de drones sous-marins autonomes
  • Formation accrue des équipages

Par ailleurs, Londres et Oslo ont signé début décembre un accord historique pour opérer conjointement une flotte de frégates dédiée à la traque des sous-marins russes dans l’Atlantique Nord.

La guerre hybride s’étend jusqu’au Parlement

Le même jour que l’annonce de la traque, le président de la Chambre des Communes, Lindsay Hoyle, a adressé une lettre d’alerte à tous les députés britanniques. Objet : une recrudescence des tentatives de hameçonnage menées par des acteurs russes sur WhatsApp, Signal et autres messageries.

Ces attaques visent à piéger les élus pour leur soutirer des informations sensibles ou compromettantes. Le National Cyber Security Centre travaille actuellement avec le Parlement pour contrer cette menace.

On le voit, le front n’est plus seulement maritime. Il est aussi numérique, politique et psychologique.

Pourquoi cette présence russe inquiète autant

La Manche n’est pas un simple couloir de passage. C’est une artère vitale :

  • Plus de 400 câbles sous-marins y passent ou à proximité
  • C’est la route principale entre l’Europe continentale et le Royaume-Uni
  • Elle concentre un trafic marchandises colossal

Un sous-marin capable de couper ces câbles ou de menacer les ferries et les gazoducs (comme Nord Stream en mer Baltique) représente une arme stratégique de premier ordre.

Au-delà de l’aspect militaire, ces incursions ont également une dimension politique : rappeler à l’Europe que la Russie conserve une capacité de projection de force en plein cœur du continent, même après trois ans de guerre en Ukraine.

La Royal Navy, en communiquant publiquement sur cette traque, envoie elle aussi un message clair : le Royaume-Uni est vigilant, prêt, et ne se laissera pas intimider dans ses propres eaux.

Entre tempêtes en Manche et orages géopolitiques, la mer reste un théâtre où se joue, en silence, une partie de l’avenir de l’Europe.

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