C’est une décision sans précédent qui vient de secouer la Roumanie en pleine élection présidentielle. À seulement deux jours du second tour qui devait opposer dimanche le candidat nationaliste Calin Georgescu à la centriste pro-européenne Elena Lasconi, la Cour constitutionnelle a pris la décision fracassante d’annuler purement et simplement le scrutin.
Motif invoqué par l’instance : des suspicions d’ingérence russe massive, notamment via le réseau social TikTok, en faveur du candidat d’extrême-droite arrivé en tête de façon surprise au premier tour. Des documents des services secrets récemment déclassifiés font état du rôle « massif » qu’aurait joué la plateforme dans la campagne.
25 000 comptes TikTok suspectés, la Russie dans le viseur
Selon des sources proches du dossier, pas moins de 25 000 comptes TikTok directement associés à la campagne de Calin Georgescu seraient devenus « extrêmement actifs » dans les deux semaines précédant le premier tour. De quoi fausser totalement le jeu démocratique, s’alarment les autorités.
La Roumanie aurait également détecté plus de 85 000 cyberattaques le jour du vote, lancées depuis une trentaine de pays et exploitant les vulnérabilités des systèmes informatiques électoraux. Avec un objectif clair : déstabiliser le processus démocratique roumain.
Un candidat pro-russe en tête au premier tour
C’est peu dire que l’arrivée en tête de Calin Georgescu au premier tour avait créé la stupeur. Ce nationaliste de 62 ans, critique de l’UE et de l’Otan, était donné perdant par tous les sondages. Son message « Roumanie d’abord », relayé massivement sur TikTok, a visiblement fait mouche dans un pays confronté à de lourdes difficultés économiques.
Surtout, le candidat, connu pour son admiration passée de Vladimir Poutine, est soupçonné d’être téléguidé par Moscou. Ce vendredi encore, il s’est prononcé pour un arrêt total de l’aide militaire à l’Ukraine voisine. De quoi renforcer les doutes sur son agenda politique réel.
Enquêtes ouvertes, le spectre d’une crise politique
Face à ce qui s’apparente de plus en plus à une vaste opération de déstabilisation pilotée par le Kremlin, la justice roumaine a ouvert deux enquêtes sur des faits de délits électoraux et de blanchiment d’argent.
Mais c’est tout le pays qui retient son souffle, craignant de basculer dans une crise politique et institutionnelle sans précédent. L’invalidation du scrutin par la Cour constitutionnelle, sans date fixée pour un nouveau vote, plonge la Roumanie dans l’incertitude et la confusion.
Selon des analystes, cette décision « sans précédent » risque de polariser encore plus une société roumaine déjà divisée. Certains y voient même « un coup d’État dans les urnes », illustrant la fragilité des démocraties face aux ingérences extérieures à l’ère des réseaux sociaux.
L’UE préoccupée, la Russie dément
L’affaire dépasse largement les frontières roumaines et prend une dimension européenne. Bruxelles, qui a salué la décision « courageuse et responsable » de la Cour constitutionnelle, a appelé à faire toute la lumière sur ces graves accusations d’ingérence.
Des manipulations visant à orienter les choix des électeurs n’ont pas leur place dans nos démocraties et doivent être combattues avec la plus grande fermeté.
Un porte-parole de la Commission européenne
Moscou a de son côté fermement démenti toute implication, dénonçant des « accusations infondées » visant à « diaboliser la Russie ». Mais le mal semble fait et la confiance durablement ébranlée.
Une chose est sûre : alors que la guerre fait rage en Ukraine et que les tensions entre la Russie et l’Occident n’ont jamais été aussi vives, ce nouveau scandale ne manquera pas de jeter une lumière crue sur la vulnérabilité de nos systèmes démocratiques à l’heure de la guerre de l’information. La Roumanie, malgré elle, pourrait bien être le nouveau champ de bataille de cette guerre d’un nouveau genre.