Au cœur des affrontements entre Israël et le Hezbollah dans le sud du Liban, une poignée d’irréductibles habitants refusent d’abandonner leurs villages malgré les bombardements incessants. Leur histoire est celle d’un attachement viscéral à leur terre, plus fort que la peur et les dangers de la guerre.
Le berger de Houla, symbole de la résistance
Khairallah Yaacoub, un berger de 55 ans, fait partie des derniers habitants de Houla, un village frontalier dévasté par les frappes israéliennes. Refusant de partir malgré une année d’échanges de tirs, il s’est retrouvé piégé lorsque la guerre a éclaté en septembre.
Blessé par un éclat d’obus qu’il a dû retirer lui-même au couteau, Khairallah a perdu la moitié de son troupeau de 16 vaches, son unique gagne-pain. Contraint de fuir, il a été secouru le 19 octobre par les Casques bleus de l’ONU avec deux autres villageois.
Je voulais rester avec les vaches, mon gagne-pain. Il m’était même difficile de quitter ma maison, car des avions de guerre tournaient constamment au-dessus de nos têtes et bombardaient autour de nous.
Khairallah Yaacoub, berger de Houla
Aujourd’hui déplacé au nord de Beyrouth, Khairallah rêve de rentrer chez lui dès qu’un cessez-le-feu sera déclaré. Son histoire illustre le drame des civils pris au piège d’un conflit qui les dépasse.
Vivre sous les bombes, un choix impossible
Depuis le 23 septembre, date du début de la campagne aérienne israélienne visant les fiefs du Hezbollah, plus de 1,3 million de Libanais ont été déplacés selon l’ONU. Pourtant, quelques irréductibles refusent de partir, par peur de ne jamais pouvoir revenir après 22 ans d’occupation israélienne (1978-2000).
C’est le cas d’Abou Fadi, 80 ans, seul habitant de Tayr Debba malgré les bombardements. Cet ancien policier tient un kiosque à café sous un olivier et fume sa chicha, refusant de quitter sa maison et sa terre. Sur 5000 habitants, seule une poignée est restée.
Rien que dans notre quartier, environ 10 maisons ont été endommagées, la plupart complètement rasées. Je suis soulagé que mes enfants et petits-enfants soient à l’abri. Mais moi, je ne partirai jamais.
Abou Fadi, 80 ans, habitant de Tayr Debba
Pris entre deux feux
Ceux qui choisissent de rester s’exposent non seulement aux frappes israéliennes, mais aussi aux combats entre l’armée et le Hezbollah. C’est ce qu’a vécu Ihab Serhane, 60 ans, seul habitant de Kfarkila avec son chat et ses deux chiens jusqu’à son arrestation par les forces israéliennes.
Après 10 jours d’interrogatoire en Israël puis par l’armée libanaise, il a été relâché mais son village est devenu un champ de bataille. Sa voiture détruite, sans eau ni électricité, il s’est retrouvé piégé par son entêtement à vouloir rester.
J’étais têtu, je ne voulais pas quitter ma maison. Je ne sais pas si mes animaux ont survécu… Pas une seule maison n’est restée debout dans le village, y compris la maison familiale.
Ihab Serhane, 60 ans, habitant de Kfarkila
Un lourd tribut pour les civils
Selon un décompte de l’AFP basé sur les données officielles, la guerre a fait plus de 1780 morts côté libanais, en grande majorité des civils. Les zones à majorité chrétienne et druze près de la frontière sont restées relativement épargnées, Israël ciblant principalement les localités chiites sous influence du Hezbollah.
Mais même dans ces villages fantômes, quelques habitants s’accrochent malgré tout, par défi ou par amour de leur terre. Un choix courageux mais risqué, qui en dit long sur le traumatisme de ce nouveau conflit pour la population du Sud-Liban.