Face aux épisodes de sécheresse à répétition qui frappent la France ces dernières années, de plus en plus de Français se tournent vers une solution à la fois écologique et économique : la récupération d’eau de pluie. Cette pratique ancestrale connaît un regain de popularité chez les particuliers comme les institutions, pour l’arrosage des jardins mais aussi l’alimentation des chasses d’eau.
Une Solution Locale à un Problème Global
Si la récupération d’eau de pluie est loin d’être une nouveauté, les ventes d’équipements dédiés ont explosé ces dernières années. Le marché français a ainsi enregistré une croissance de 26,3% sur les cinq dernières années, pour atteindre 44 millions d’euros en 2023.
Produit star de ce marché en plein boom : le récupérateur mural de 300 litres, qui se branche directement sur les gouttières de la maison. Un équipement très prisé des particuliers, notamment les propriétaires de pavillons avec jardin qui souhaitent continuer à arroser leur pelouse pendant les restrictions d’eau estivales.
Des Communes Montrent l’Exemple
Mais ce sont aussi les collectivités qui s’équipent de plus en plus, comme la commune de Chevreuse en région parisienne. La maire Anne Héry-Le Pallec y a distribué environ 150 récupérateurs d’eau de pluie à ses administrés, grâce à une subvention régionale.
L’objectif : sensibiliser la population aux enjeux de la préservation de la ressource en eau. D’ailleurs, même les écoles de la ville sont équipées de récupérateurs, pour habituer les enfants dès le plus jeune âge à arroser le potager avec de l’eau de pluie plutôt qu’au robinet.
Un Cadre Légal Assoupli
Il faut dire que la législation française s’est assouplie ces dernières années pour favoriser l’essor de cette pratique vertueuse. Depuis les grandes sécheresses de 2003 et 2005, la loi autorise l’usage de l’eau de pluie à l’intérieur des bâtiments, ainsi que la récupération des eaux grises (douches, baignoires, lavabos) pour des usages extérieurs comme l’arrosage ou intérieurs comme le lavage des sols ou l’alimentation des chasses d’eau.
C’est vraiment une eau non potable pour un usage non potable.
Thomas Contentin, président du syndicat des industriels français de l’eau de pluie (Ifep)
En revanche, les usages d’hygiène corporelle (bain, douche) et alimentaires restent proscrits pour des raisons sanitaires. Selon Thomas Contentin, entre 15 000 et 20 000 maisons s’équipent chaque année de systèmes de récupération d’eau de pluie pour un usage interne, avec une cuve enterrée de 6000 à 8000 litres.
Des Économies Substantielles
Au-delà de l’enjeu écologique de préservation de la ressource, la récupération d’eau de pluie permet aussi de réaliser des économies substantielles sur sa facture. Car même si la consommation d’eau des Français baisse depuis une dizaine d’années, elle reste élevée avec 148 litres par jour et par habitant en moyenne.
Or, certains usages domestiques comme les toilettes représentent à eux seuls 20% de la consommation d’eau d’un foyer. Utiliser de l’eau de pluie pour alimenter les chasses d’eau peut donc permettre de réduire significativement son empreinte hydrique et sa facture.
Des Aides Incitatives
Pour encourager les particuliers à franchir le pas, certaines collectivités proposent des aides financières, sous forme de subventions ou de crédits d’impôts. Des dispositifs incitatifs qui varient selon les régions mais qui peuvent couvrir une partie significative de l’investissement initial, de l’ordre de plusieurs centaines à plusieurs milliers d’euros selon la taille de l’installation.
Des associations comme France Nature Environnement (FNE) militent d’ailleurs pour aller plus loin, en rendant obligatoire l’installation de systèmes de récupération d’eau dans les constructions neuves. Une mesure défendue aussi par la filière professionnelle, qui y voit un levier de développement du marché mais aussi un outil de gestion des eaux pluviales pour éviter les inondations.
Vers une Généralisation ?
Si la récupération d’eau de pluie séduit un nombre croissant de Français, cette pratique reste encore marginale à l’échelle du pays. Selon une étude publiée en 2021 par le Centre d’information sur l’eau, seuls 25% des Français déclarent récupérer l’eau de pluie, principalement pour l’arrosage du jardin.
Mais avec la multiplication des épisodes de sécheresse et la prise de conscience écologique, cette proportion pourrait rapidement augmenter dans les années à venir. D’autant que les équipements se perfectionnent et se démocratisent, avec des solutions clé en main adaptées à tous les budgets et tous les besoins.
Récupérer l’eau de pluie apparaît donc comme une solution d’avenir pour préserver une ressource précieuse et menacée. Une pratique vertueuse et économique appelée à se généraliser, pour que l’eau de pluie ne soit plus gâchée mais valorisée.
