Selon des révélations d’une haute diplomate américaine, les Etats-Unis avaient proposé d’étendre leur ambitieux « couloir de Lobito », un axe ferroviaire traversant l’Angola, afin d’inciter la République Démocratique du Congo et le Rwanda à conclure un accord de paix. Mais cette offre audacieuse s’est heurtée à un revirement du Rwanda, remettant en question la stabilité dans l’est de la RDC, déchiré par les conflits.
Une Proposition pour Désenclaver l’Est de la RDC
Le couloir de Lobito, un projet phare de l’investissement américain en Afrique récemment mis en lumière par la visite du président Joe Biden, vise à relier par rail les mines du sud de la RDC et de la Zambie à la côte atlantique angolaise. D’après Molly Phee, secrétaire d’Etat adjointe sortante chargée des affaires africaines, les Etats-Unis auraient suggéré aux deux pays en conflit d’étendre ce corridor jusqu’à l’est congolais :
Nous avons proposé aux deux parties que si nous parvenions à stabiliser l’est de la RDC, nous pourrions travailler au développement d’un embranchement du couloir de Lobito à travers l’est de la RDC.
Molly Phee, secrétaire d’Etat adjointe sortante chargée des affaires africaines
Cette extension aurait ainsi pu contribuer au désenclavement et au développement économique de cette région instable, tout en offrant une « incitation positive » à la résolution du conflit entre Kinshasa et Kigali. Un conflit qui s’est notamment cristallisé autour du soutien présumé du Rwanda au groupe armé M23, qui occupe de vastes territoires dans l’est congolais depuis fin 2021.
Le Rwanda Fait Volte-Face
Mais malgré les efforts diplomatiques américains pour dessiner les contours d’un accord, « le Rwanda semble s’en être éloigné » déplore Mme Phee. Alors que Kinshasa était appelé à réprimer les FDLR, un groupe armé hutu accusé d’abriter d’anciens responsables du génocide rwandais, l’absence du président Paul Kagame au sommet de Luanda en décembre dernier et les nouvelles avancées territoriales du M23 ont douché les espoirs de paix :
Nous avons tout remis à plat et j’ai pensé que nous étions sur la bonne voie. Finalement, le président Kagame a décidé de ne pas se rendre au sommet de Luanda en décembre et vous avez vu le Rwanda et le M23 se saisir de davantage de territoire.
Molly Phee
Les Défis de la Diplomatie Américaine en Afrique
Cet épisode illustre les défis auxquels est confrontée la diplomatie américaine sur le continent africain. Malgré la volonté affichée de l’administration Biden d’y accorder plus d’attention que la présidence Trump, elle s’est vite retrouvée accaparée par d’autres conflits internationaux, comme ceux en Ukraine ou à Gaza.
La secrétaire d’Etat adjointe se félicite néanmoins du rôle joué par les Etats-Unis dans la conclusion d’un cessez-le-feu en novembre 2022 dans la région éthiopienne du Tigré, théâtre selon elle du « plus grand conflit au monde » à l’époque avec au moins 600 000 morts en deux ans. Mais elle s’inquiète de la « main lourde » des forces de sécurité éthiopiennes dans les régions de l’Amhara et de l’Oromia.
Malgré l’exclusion de l’Ethiopie d’un important pacte commercial en raison de ces violences, Mme Phee souligne la volonté américaine de renouer un « partenariat » avec Addis Abeba. Un partenariat conditionné toutefois à des mesures concrètes de la part du gouvernement éthiopien.
Ainsi, entre espoirs de paix déçus en RDC et signaux contradictoires en Ethiopie, la route de Washington sur le continent africain semble encore semée d’embûches, malgré les efforts déployés et les incitations économiques proposées. L’avenir dira si la nouvelle administration Biden saura surmonter ces obstacles pour imprimer sa marque dans une région du monde où l’influence américaine est plus que jamais contestée.
