En ce début des Jeux Olympiques de Paris 2024, une athlète fait parler d’elle sur les terrains de beach-volley et en dehors. Il s’agit de l’Égyptienne Doaa Elghobashy, qui a choisi de concourir vêtue d’un hijab et d’une tenue couvrante, aux côtés de sa coéquipière en bikini. Un contraste saisissant qui a relancé le débat sur la place des signes religieux dans le sport, en particulier en France où la laïcité est un principe fondamental. Zoom sur une polémique qui divise, entre liberté individuelle et neutralité républicaine.
Quand le hijab s’invite sur le sable olympique
C’est une image forte des Jeux Olympiques 2024 : sur le terrain de beach-volley, la paire égyptienne offre un curieux tableau. D’un côté, Doaa Elghobashy arbore un hijab noir et une tenue intégrale rouge. De l’autre, sa partenaire Nada Meawad est vêtue d’un bikini coloré, tenue traditionnelle de ce sport de plage. Au-delà de leurs différences vestimentaires, les deux joueuses affichent une belle complicité, célébrant ensemble leurs points gagnants.
Pour Doaa Elghobashy, porter le voile est un choix assumé, qui ne l’empêche pas d’exceller dans sa discipline. Déjà en 2016 à Rio, elle était devenue la première beach-volleyeuse olympique à concourir hijabée. Une pionnière qui avait suscité curiosité et polémiques à l’époque. Aujourd’hui, elle continue de revendiquer sa liberté de jouer en respectant ses convictions :
Je veux jouer avec mon hijab, elle veut jouer en bikini – tout va bien, si tu veux être nue ou porter un hijab. Respectez simplement toutes les différentes cultures et religions.
Doaa Elghobashy, joueuse égyptienne de beach-volley
Un message de tolérance qui peine pourtant à passer dans un pays comme la France, où la laïcité interdit tout signe religieux ostentatoire dans l’espace public, y compris pour les sportifs représentant la nation. Alors que l’équipe égyptienne fait sensation sur la plage du Champ-de-Mars, la polémique enfle en coulisses.
Le voile, pomme de discorde des JO de Paris
L’apparition du hijab sur les terrains de beach-volley ne passe pas inaperçue dans le pays organisateur des JO. Dès la cérémonie d’ouverture, l’absence d’une athlète française voilée avait suscité la controverse. Amina Sylla Sounkamba, spécialiste du 400m, n’avait pas pu défiler avec la délégation car le règlement lui interdisait de porter son hijab. Une décision jugée discriminatoire par certains, comme Amnesty International, mais pleinement assumée par la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera au nom de la laïcité :
Cela veut dire l’interdiction de toute forme de prosélytisme, la neutralité absolue du service public. Les représentants de nos délégations dans nos équipes de France ne porteront pas le voile.
Amélie Oudéa-Castera, Ministre des Sports
Une position tranchée qui va à l’encontre des règles plus souples du Comité International Olympique (CIO). Ce dernier considère en effet le hijab comme « un facteur culturel » et non religieux, s’en remettant aux fédérations de chaque sport. Ce qui explique qu’on puisse voir des athlètes voilées dans certaines disciplines comme l’escrime ou la boxe, et pas dans d’autres. Un flou artistique qui crée des situations ubuesques en France, où l’interdiction générale se heurte aux réglementations internationales des JO.
Sport et religion, liaisons dangereuses
Au-delà du cas du hijab, la question des signes religieux dans le sport est un serpent de mer qui ressurgit à chaque grand évènement planétaire. Que ce soit le voile islamique, la kippa ou la croix chrétienne, arborer sa foi sur les stades reste un sujet qui divise. Pour les partisans d’une laïcité stricte, le sport doit être un espace neutre, où seules les performances comptent. Autoriser les athlètes à afficher leur appartenance religieuse reviendrait à ouvrir une boîte de Pandore communautariste.
Mais pour d’autres, interdire à une sportive de porter le voile au nom de la neutralité est une atteinte à sa liberté individuelle. Pourquoi une joueuse ne pourrait-elle pas concilier sa foi et sa passion, tant que cela ne nuit pas à sa pratique ? Dans un monde idéal, chacun devrait pouvoir s’habiller comme il l’entend, sans se voir imposer une tenue par des règlements ou des injonctions sociétales.
C’est peu ou prou ce que défend Doaa Elghobashy à sa manière, en revendiquant le droit de jouer voilée aux côtés de sa coéquipière en bikini. Un symbole fort de coexistence et de tolérance, qui tranche avec les crispations laïques à la française. Reste que la partie est loin d’être gagnée, sur le sable comme en dehors.
Je ne te dis pas de porter un hijab et tu ne me dis pas de porter un bikini. Personne ne peut me dire comment m’habiller. C’est un pays libre, chacun doit pouvoir faire ce qu’il veut.
Doaa Elghobashy, joueuse égyptienne de beach-volley
Des paroles pleines de bon sens, qui peinent encore à s’imposer en ce début des Jeux Olympiques de Paris 2024. Espérons que le message d’ouverture de Doaa Elghobashy saura faire son chemin, sur les terrains comme dans les mentalités. Car au final, peu importe la tenue, seul le sport devrait compter.