La ponctuation française actuelle se limite à une poignée de signes bien connus : le point, la virgule, le point d’interrogation… Pourtant, au fil de l’histoire, des auteurs ont fait preuve d’imagination pour enrichir cette palette et tenter d’exprimer plus finement les émotions et intonations à l’écrit. Retour sur ces symboles atypiques et méconnus qui ont failli intégrer officiellement la langue de Molière.
Le point d’ironie, premier signe alternatif
Dès 1841, le journaliste Marcellin Jobard réclame une ponctuation plus diversifiée. Il propose notamment le point d’ironie pour signaler le second degré, représenté par un point d’interrogation inversé (⸮). Cette idée sera reprise au début du XXe siècle par le poète Alcanter de Brahm. Malgré un certain succès, le point d’ironie ne s’imposera pas.
Hervé Bazin, champion de la néo-ponctuation
L’écrivain Hervé Bazin est sans doute celui qui aura été le plus prolifique dans l’invention de nouveaux signes. Dans son essai Plumons l’oiseau (1966), il en propose pas moins de six :
- Le point d’amour (Ψ)
- Le point de conviction (‡)
- Le point d’autorité (※)
- Le point d’ironie (reproduit comme la lettre grecque psi Ψ)
- Le point d’acclamation (˘)
- Le point de doute (¿)
Malgré leur inventivité, aucun de ces signes ne connaîtra de véritable postérité. D’autres auteurs emboîteront le pas à Bazin avec des propositions plus ou moins farfelues.
Du point de merde au point exclarrogatif
En 1933, Raymond Queneau invente le point d’indignation (¡¡) dans son roman Le Chiendent. Plus provocant, l’écrivain Michel Ohl crée en 2006 le point de merde (ῳ), fusion évocatrice d’un oméga et d’un point d’exclamation. Citons aussi le point exclarrogatif (‽) imaginé par l’américain Martin K. Speckter en 1962 pour combiner interrogation et exclamation.
Tous ses éléments de ponctuations n’ont jamais réellement eu d’application dans la vie courante et ont une fonction plus poétique que pratique.
Romain Ferrier, dans Le Figaro
Si aucun de ces signes n’a réussi à intégrer durablement la langue, ils témoignent d’une volonté constante des écrivains de dépoussiérer la ponctuation pour lui faire dire plus que de simples intonations. Avec l’avènement d’Internet, ce sont finalement les émoticônes qui ont pris le relais pour enrichir les textes d’une dimension émotionnelle. La ponctuation, elle, en reste à ses fondamentaux.