Dans un revirement inattendu, la Pologne vient d’apporter son soutien à la France dans son combat contre l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et les pays d’Amérique du Sud du Mercosur. Cet appui d’un poids lourd européen pourrait bien faire pencher la balance et empêcher la signature d’un traité qui suscite de vives inquiétudes, notamment chez les agriculteurs du vieux continent.
Le Mercosur, un accord controversé
Négocié depuis plus de 20 ans, l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay) est loin de faire l’unanimité. Si ses défenseurs y voient une opportunité pour dynamiser les échanges commerciaux, ses détracteurs pointent du doigt les risques pour l’agriculture européenne et l’environnement.
En première ligne, les agriculteurs européens redoutent une concurrence déloyale des produits sud-américains, souvent cultivés avec moins de contraintes phytosanitaires et écologiques. La filière bovine française craint notamment d’être durement impactée par des importations massives de viande à bas coût.
La Pologne rejoint le camp du « non »
Face à ces inquiétudes, la France avait jusqu’ici fait figure de porte-étendard de l’opposition au Mercosur au sein de l’UE. Mais avec la récente prise de position du premier ministre polonais, Donald Tusk, Paris n’est plus isolée.
La Pologne n’acceptera pas l’accord en l’état
a déclaré Donald Tusk, reprenant les termes employés par Emmanuel Macron.
Ce soutien est d’autant plus précieux que la Pologne, avec ses 38 millions d’habitants, peut contribuer à atteindre la minorité de blocage nécessaire pour empêcher la ratification du traité par le Conseil européen. Il faut en effet réunir au moins 4 États membres représentant plus de 35% de la population de l’UE.
Des négociations sous pression
Malgré cette opposition qui se renforce, les partisans du Mercosur maintiennent la pression pour une signature rapide. Plusieurs pays, dont l’Allemagne, souhaitent conclure l’accord dès le sommet UE-Mercosur prévu début décembre. La Commission européenne s’inquiète quant à elle des conséquences d’un rejet pour la crédibilité de la politique commerciale de l’UE.
Pourtant, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer un accord déséquilibré et appeler à sa renégociation. Au-delà des enjeux agricoles et environnementaux, c’est la question de la souveraineté alimentaire de l’Europe qui est posée. Certains y voient aussi un test de la capacité de l’UE à défendre ses intérêts et ses valeurs dans un contexte géopolitique tendu.
Vers un rejet du Mercosur ?
Avec le ralliement polonais, un «non» au Mercosur n’a jamais semblé aussi proche. D’autres pays comme l’Italie pourraient suivre, la pression des opinions publiques aidant. Mais rien n’est encore acquis, tant les enjeux diplomatiques et économiques sont importants.
Une chose est sûre : le débat sur le Mercosur cristallise les tensions autour du modèle de développement et de la place de l’Europe dans le commerce mondial. Au-delà d’un simple accord commercial, c’est une certaine vision de l’avenir qui se joue. La suite des négociations sera scrutée de près, tant les implications sont majeures pour de nombreux secteurs et territoires des deux côtés de l’Atlantique.