Le monde politique brésilien est sous le choc. Selon des sources proches de l’enquête, la police fédérale aurait recommandé l’inculpation de l’ancien président d’extrême droite Jair Bolsonaro pour une tentative présumée de coup d’État visant à empêcher le retour au pouvoir de son successeur et rival, Luiz Inácio Lula da Silva, après l’élection présidentielle de 2022.
Une organisation criminelle pour renverser la démocratie ?
D’après le communiqué de la police, Bolsonaro et 36 autres personnes, dont d’anciens ministres et généraux, sont visés par une demande d’inculpation pour “abolition violente de l’État démocratique de droit, coup d’État et organisation criminelle”. Les enquêteurs accusent l’ex-dirigeant d’avoir orchestré en 2022 une opération coordonnée dans le but de se maintenir illégalement au pouvoir malgré sa défaite dans les urnes.
Cette affaire explosive, qui ébranle les institutions brésiliennes, est le fruit de près de deux ans d’investigations minutieuses menées par la police fédérale. Le rapport accablant a été transmis à la Cour suprême, qui devra le remettre au procureur général. Ce dernier aura alors la lourde tâche de décider s’il y a lieu ou non d’engager des poursuites contre l’ancien chef de l’État.
Bolsonaro dénonce une “persécution” et promet de se battre
Face à ces graves accusations, Jair Bolsonaro, âgé de 69 ans, crie au complot. Sur les réseaux sociaux, il s’en est pris violemment au juge de la Cour suprême Alexandre de Moraes, chargé de l’enquête, l’accusant de conduire une “chasse aux sorcières” à son encontre. “Il fait tout ce que ne dit pas la loi”, a-t-il déclaré, promettant néanmoins de poursuivre “la lutte” sur le plan judiciaire pour prouver son innocence.
Un avenir politique compromis pour l’ex-président
Déjà déclaré inéligible jusqu’en 2030 pour avoir attaqué sans preuve le système de vote électronique, Bolsonaro voit son horizon s’assombrir davantage avec cette affaire de tentative de putsch. Bien qu’il espère faire annuler sa condamnation pour se présenter à la présidentielle de 2026, ces nouvelles poursuites pourraient porter un coup fatal à ses ambitions politiques.
En parallèle, plusieurs de ses proches collaborateurs, dont son ancien ministre de la Défense Walter Braga Netto et le général Augusto Heleno, sont dans le collimateur de la justice. Des perquisitions et arrestations ont eu lieu dans le cadre de vastes opérations policières baptisées “L’heure de vérité” et “Poignard jaune et vert”, en référence aux couleurs du drapeau brésilien.
Le spectre d’un complot meurtrier
Le scandale prend une tournure encore plus sombre avec les révélations d’un projet d’assassinat qui aurait visé Lula, son vice-président Geraldo Alckmin et le juge Moraes. Cinq suspects, dont un général proche de Bolsonaro, ont été interpellés en lien avec ce sinistre plan baptisé “Opération poignard vert et jaune”. La police a également demandé leur inculpation.
Au cœur de l’enquête se trouve un mystérieux projet de décret, qui aurait été présenté par Bolsonaro à des militaires de haut rang lors de réunions secrètes fin 2022, entre sa défaite électorale et l’investiture de Lula. Ce texte prévoyait notamment de convoquer de nouvelles élections et de faire arrêter le juge Moraes. Bien que le décret n’ait finalement pas vu le jour, il témoigne de la volonté de l’ancien président de s’accrocher au pouvoir par tous les moyens.
Une démocratie fragilisée
Cette tentative avortée de coup d’État intervient dans un contexte de tensions extrêmes au Brésil. Le 8 janvier 2023, une semaine seulement après l’investiture de Lula, des milliers de partisans de Bolsonaro avaient pris d’assaut et saccagé les lieux de pouvoir à Brasilia, rappelant les scènes chaotiques de l’assaut du Capitole aux États-Unis deux ans plus tôt.
Si l’ancien dirigeant d’extrême droite, alors en voyage en Floride, a nié toute implication dans ces violences, il fait désormais l’objet d’une enquête distincte visant à déterminer son rôle d’éventuel instigateur. Cette affaire, combinée aux récentes révélations sur le projet de putsch, jette une lumière crue sur la fragilité de la jeune démocratie brésilienne, encore hantée par les fantômes de la dictature militaire (1964-1985).
Un pays divisé face à son destin
Au-delà du sort judiciaire de Jair Bolsonaro, c’est l’avenir du Brésil qui se joue dans cette crise politique d’une ampleur inédite. Le pays, profondément clivé, se retrouve confronté aux démons de son passé autoritaire et à la tentation du chaos. Les institutions sauront-elles résister à ces assauts et préserver l’État de droit ? La société civile parviendra-t-elle à se rassembler autour des valeurs démocratiques ?
Seul le temps, et le cours de la justice, apporteront des réponses à ces questions existentielles pour la première puissance d’Amérique latine. Une chose est sûre : le Brésil retient son souffle, suspendu aux rebondissements de cette affaire hors norme qui pourrait marquer un tournant dans son histoire tumultueuse. Au cœur de la tourmente, la figure polarisante de Jair Bolsonaro concentre tous les regards et cristallise les passions d’une nation en quête de repères.
