La nouvelle Commission européenne, validée mercredi au Parlement de Strasbourg, ne fait pas l’unanimité. Loin s’en faut. Sa composition, approuvée par une alliance inédite entre la droite, le centre, les sociaux-démocrates et avec l’appui surprenant de voix d’extrême droite, a semé la zizanie à gauche et chez les écologistes.
Une validation sur le fil du rasoir
C’est à une courte majorité de 370 voix contre 282, et 36 abstentions, que les eurodéputés ont donné leur feu vert à l’équipe proposée par la présidente Ursula von der Leyen. Du jamais vu depuis 30 ans pour une investiture. Ce soutien limité témoigne des profondes dissensions qui traversent l’hémicycle européen.
La gauche et les Verts divisés
Malgré la présence de quatre commissaires issus de leurs rangs, les sociaux-démocrates ont affiché leurs divergences. Les élus français se sont intégralement opposés, quand les Allemands du S&D se sont massivement abstenus. En cause : la nomination du commissaire italien d’extrême droite Raffaele Fitto au poste de vice-président.
La politique démocratique est un art du compromis, mais ce n’est pas un art de la compromission.
Raphaël Glucksmann, eurodéputé S&D
Même désaccord chez les Verts, dont la moitié des élus, français en tête, a refusé d’accorder sa confiance à la Commission von der Leyen. Un choix que n’a pas fait l’autre moitié des écologistes européens.
L’extrême droite en soutien inattendu
Coup de théâtre : la nomination de Raffaele Fitto a conduit une fraction du groupe d’extrême droite ECR (Conservateurs et réformistes européens) à appuyer la nouvelle Commission. Une décision justifiée par leur leader, l’Italien Nicola Procaccini :
Nous avons assisté avec détachement à ce psychodrame des gauches. Je crois plus simplement que les citoyens européens ont exprimé leur point de vue aux élections, et la présidente de la Commission doit en tenir compte.
Nicola Procaccini, leader du groupe ECR
Les autres groupes eurosceptiques, du Rassemblement national aux « Patriotes pour l’Europe », ont en revanche maintenu leur opposition.
La droite massivement favorable, sauf en Espagne
Sans surprise, le PPE, qui détient 15 des 27 portefeuilles de la Commission, a largement validé la nouvelle équipe. A une exception près : la délégation espagnole, qui a sanctionné la nomination de la socialiste Teresa Ribera comme vice-présidente chargée de la Transition écologique et de la Concurrence.
D’après une source proche du dossier, la droite ibérique lui reprocherait sa gestion des inondations meurtrières de la région de Valence fin octobre. Des accusations balayées par les soutiens de Teresa Ribera, qui y voient une manœuvre politique.
Une Commission sous tension
Validée dans la douleur, la Commission von der Leyen devra composer avec un Parlement européen morcelé et des équilibres politiques inédits. Entre une droite omniprésente mais pas hégémonique, une gauche fragmentée, des écologistes en embuscade et une extrême droite aux aguets, la nouvelle exécutive européenne s’annonce d’ores et déjà sous haute tension.
Ursula von der Leyen, qui prendra ses fonctions le 1er décembre, aura fort à faire pour rassembler derrière son programme ambitieux, de la « décarbonation » de l’économie à la régulation de l’intelligence artificielle en passant par la défense du multilatéralisme. Les premiers mois de son mandat donneront le ton d’un quinquennat européen qui s’annonce agité.