Mardi matin, les habitants de Goma et Bukavu, deux grandes villes de l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), ont pu pousser un soupir de soulagement. Après une interruption due au conflit qui secoue la région, la navigation a enfin repris sur le majestueux lac Kivu, véritable artère des échanges commerciaux entre ces deux cités.
Selon des sources proches du dossier, le groupe armé antigouvernemental qui contrôle désormais les rives du lac avec le soutien de troupes étrangères, avait annoncé la veille la réouverture des ports de Goma et Bukavu, 24h/24 et 7j/7. Une décision qui fait suite à leur mainmise récente sur ces villes stratégiques, Goma fin janvier puis Bukavu le week-end dernier, leur offrant le contrôle total de cette étendue d’eau cruciale.
Une reprise des activités encore timide
Si Bukavu est tombée sans réelle résistance des forces armées officielles, la ville d’un million d’âmes peine encore à retrouver son effervescence habituelle. Malgré la réouverture des commerces, les stigmates des récents pillages restent visibles. Pourtant, dès l’aube, les voyageurs étaient nombreux à patienter pour embarquer sur le premier bateau en partance pour Goma, signe d’un besoin pressant de renouer les liens entre les deux rives.
Nous sommes contents, cette décision nous soulage un peu
confie Lueni Ndale, responsable d’une compagnie de navigation locale
Mais cette reprise a un coût. Les tarifs des billets ont été revus à la hausse, de 10 à 27 dollars selon la classe, une augmentation justifiée par la flambée du prix du carburant. Un sacrifice nécessaire pour beaucoup, à l’image de Justin Mutabesha, habitant de Goma : « J’étais venu à Bukavu pour assister à un mariage, mais les événements m’ont surpris. C’était difficile de rejoindre ma famille ».
Le lac Kivu, cordon ombilical de toute une région
Au-delà du transport de passagers, la navigabilité du lac Kivu est surtout vitale pour l’approvisionnement de Bukavu, qui dépend grandement des produits agricoles cultivés au Nord-Kivu. Avec des routes rendues impraticables par les combats, le port de Goma demeure le poumon économique de la région. Une réalité qui pousse de nombreux commerçants à braver les eaux tumultueuses du lac pour aller chercher ces denrées indispensables et les revendre à Bukavu.
La vie était devenue difficile pour nous, c’était même compliqué de trouver quelqu’un pour nous prêter de l’argent alors qu’on était au chômage. Je suis vraiment content de pouvoir reprendre le travail.
se réjouit Amani Kalimira, bagagiste
Cette reprise de la navigation sur le lac Kivu est donc une véritable bouffée d’oxygène pour des populations durement éprouvées par des années de conflit. Mais elle soulève aussi des questions sur le contrôle exercé par les groupes armés sur les ressources économiques de la région et les défis qui attendent encore les habitants de l’est de la RDC sur le long chemin vers une paix durable.