Le cinéma français est en deuil. Niels Arestrup, immense acteur aux trois César, s’est éteint dimanche à l’âge de 75 ans, a annoncé sa femme Isabel Le Nouvel. Une perte immense pour le 7ème art hexagonal, tant le comédien franco-danois, aussi discret que talentueux, en aura marqué l’histoire de son empreinte indélébile.
Un monstre sacré au regard perçant
Né à Montreuil en 1949, Niels Arestrup n’était pas prédestiné à devenir acteur. Fils d’ouvrier, c’est pourtant au détour d’une émission de télévision qu’il découvre sa vocation, subjugué par le charisme de Tania Balachova. Élève de l’illustre professeure d’art dramatique, il fait ses premiers pas sur les planches en 1972 avant d’embrasser une carrière cinématographique qui le verra briller dans plus de 80 films.
Avec son regard perçant et son charisme magnétique, Niels Arestrup en imposait à chacune de ses apparitions. Du proxénète violent de La Dérobade au père tyrannique d’Un prophète, il excellait dans les rôles de méchants, sans pour autant s’y cantonner. Car derrière la carapace, l’homme était d’une grande sensibilité et d’une finesse rare.
Trois César pour un acteur d’exception
Récompensé à trois reprises par l’Académie des César, pour De battre mon cœur s’est arrêté (2006), Un prophète (2010) et Quai d’Orsay (2014), Niels Arestrup laisse derrière lui une filmographie d’une richesse folle. Comédien caméléon, il aura tourné avec les plus grands, de Claude Lelouch à Steven Spielberg en passant par Marco Ferreri.
Être acteur c’est être autre chose, autrement, autre part, être quelqu’un d’autre.
Niels Arestrup
Mais c’est sa collaboration avec Jacques Audiard qui aura sans doute le plus marqué les esprits. Leur tandem sur De battre mon cœur s’est arrêté puis Un prophète a accouché de scènes anthologiques et de performances d’acteurs dont l’intensité résonne encore. Arestrup y campe des figures paternelles ambivalentes et des mentors criminels inoubliables.
Un acteur habité et exigeant
Perfectionniste et investi, Niels Arestrup était connu pour son exigence sur les plateaux. Son jeu physique et sa intensité pouvaient déstabiliser ses partenaires, comme lors de son affrontement mémorable avec Tahar Rahim dans Un prophète. Mais cette intransigeance était aussi gage de vérité et d’authenticité, au service de l’œuvre.
Père de jumeaux à 63 ans, le comédien a su trouver un équilibre entre sa carrière et sa vie de famille dans les dernières décennies. Homme de théâtre accompli, on l’a encore vu briller en 2020 dans Rouge de John Logan aux côtés d’Alexis Moncorgé. La scène était son jardin secret, un espace de liberté et d’expression pure.
L’héritage d’un immense artiste
Avec la disparition de Niels Arestrup, c’est un pan entier du cinéma français qui s’en va. Un de ces acteurs rares, précieux, qui marquent leur époque au fer rouge. Un interprète habité, viscéral, qui ne laissait personne indifférent et qui aimait se fondre dans la peau de ses personnages jusqu’à l’os.
Son héritage, ce sont des dizaines de films, des centaines de scènes gravées dans nos mémoires et une leçon de jeu d’acteur en majesté. Niels Arestrup était de la trempe des plus grands, de ceux dont la présence irradiait l’écran et pouvait porter un film à elle seule. Un phare s’est éteint, mais sa lumière, elle, brillera pour l’éternité dans le cœur des cinéphiles.