Dans le petit village moldave de Cocieri, Valera Alexandru Sava a dû troquer chauffage moderne contre vieux poêle à bois. Comme de nombreux habitants de cette région séparatiste de Transdniestrie, il subit de plein fouet les conséquences de la coupure des livraisons de gaz russe vers la Moldavie depuis début janvier. Une décision de Gazprom sur fond de contentieux financier qui plonge le pays dans le noir et le froid.
La Moldavie, terrain d’affrontement gazier entre la Russie et l’Europe
Coincée entre l’Ukraine et la Roumanie, la Moldavie est depuis longtemps tiraillée entre la Russie et l’Occident. Un dilemme qui se cristallise aujourd’hui autour de la question de l’approvisionnement en gaz. Alors que le reste du pays s’est détourné du gaz russe depuis le début de la guerre en Ukraine, la région séparatiste prorusse de Transdniestrie, où stationnent encore des troupes de Moscou, est restée dépendante des livraisons de Gazprom.
Mais début janvier, le géant russe a coupé le robinet, invoquant des impayés. Un prétexte selon la présidente pro-européenne Maia Sandu, qui y voit une nouvelle manœuvre de déstabilisation du Kremlin à l’approche d’élections législatives prévues à l’automne. La Transdniestrie, elle, a demandé à la Moldavie de lui vendre du gaz, craignant une flambée des prix.
De « l’âge de pierre » au retour du bois de chauffage
Dans les villages moldaves directement connectés aux réseaux de la Transdniestrie, comme Cocieri, c’est un véritable « retour à l’âge de pierre ». Les coupures de chauffage et d’électricité se multiplient, forçant les habitants à ressortir les vieux poêles. « Heureusement il nous reste encore du bois », témoigne M.Sava, inquiet à l’idée de voir sa facture exploser si de l’énergie plus chère d’Europe de l’Ouest venait à être importée.
Nous ne voulons pas de votre aide ! Laissez-nous tranquilles.
Des habitants de Copanca à la présidente Maia Sandu
Le gouvernement moldave face à un « investissement énorme »
Pour sortir de cette crise, le gouvernement moldave s’est engagé à raccorder l’ensemble des villages concernés aux infrastructures énergétiques du reste du pays. Mais la tâche s’annonce ardue et coûteuse selon le vice-Premier ministre Oleg Serebrian, en charge de la réintégration de la Transdniestrie. Il évoque notamment la construction d’un pipeline sous le fleuve Dniestr.
En attendant des travaux qui s’annoncent longs et compliqués, de nombreux villages restent plongés dans le noir, lampes torches et bougies éclairant les rues. Les commerces tournent au ralenti, comme cette boulangerie de Varnita où la vendeuse sert les clients à la lueur de son téléphone portable. « On se croirait à l’âge de pierre », soupire-t-elle.
Un pays pris en étau entre Russie et Occident
Au-delà de l’urgence humanitaire, cette crise met en lumière la position intenable de la Moldavie, écartelée entre l’est et l’ouest. Malgré les efforts du gouvernement pro-européen pour diversifier ses sources d’énergie, le pays reste encore largement dépendant de la Russie.
Oui, nous voulons rejoindre l’Europe mais pas dans ces conditions. Je me moque de quel camp résoudra la crise, mais il faut trouver une solution.
Valentina, 65 ans, vendeuse à Varnita
Une situation intenable à long terme, alors que les tensions géopolitiques ne cessent de s’accroître dans la région sur fond de guerre en Ukraine. La Moldavie, déchirée entre des liens historiques avec Moscou et ses aspirations européennes, se retrouve malgré elle au cœur d’une bataille énergétique et diplomatique qui la dépasse. Une nouvelle épreuve pour ce petit pays déjà fragilisé par des décennies d’instabilité politique et économique.
Face à l’urgence, le gouvernement moldave tente de parer au plus pressé en important de l’électricité de Roumanie. Mais la facture énergétique s’envole pour les ménages. Un prix fort à payer pour un pays qui cherche à s’émanciper de la tutelle russe. La route vers l’indépendance énergétique s’annonce longue et semée d’embûches pour la Moldavie, prise dans les filets d’un bras de fer géopolitique qui la dépasse.
