Depuis des générations, les hindous du Bangladesh, pays à majorité musulmane, priaient paisiblement dans leurs temples. Mais en ce mois de décembre, la sérénité a laissé place à la peur. Début août, l’éviction de la Première ministre Sheikh Hasina, au pouvoir depuis 2009, a déclenché une vague de violence visant la minorité hindoue, qui représente environ 8% de la population. Des extrémistes islamistes ont également pris pour cible des sanctuaires soufis.
« Nous ne nous sentons pas en sécurité », confie Swapna Ghosh, une fidèle du village de Dhour près de Dacca, la capitale. Le 7 décembre, des assaillants ont incendié le temple de la déesse Lakshmi dans son village. « Mon fils a vu les flammes et les a rapidement éteintes », raconte Ratan Kumar Ghosh, le gardien de 55 ans. Sans son intervention, « le temple et nous aurions été réduits en cendres ».
Un contexte de tensions religieuses exacerbées
Pour les défenseurs des droits, ces attaques sont le fruit d’un contexte particulier. Sous le régime de Sheikh Hasina, les hindous étaient perçus comme des soutiens du gouvernement par l’opposition, qui cherchait à obtenir leur protection. « Si on analyse la dernière décennie, il n’y a pas eu une seule année sans attaques contre les minorités », souligne Abu Ahmed Faijul Kabir, de l’ONG Ain o Salish Kendra.
Cette année, l’organisation a enregistré 118 incidents violents visant les hindous de janvier à novembre, avec un pic en août après la chute du gouvernement. Si ces chiffres marquent une nette hausse par rapport à 2022, les années précédentes avaient été encore plus sanglantes, avec des morts et des viols.
Le nouveau pouvoir appelle au calme
Face à cette situation, le gouvernement intérimaire a appelé au calme et promis de renforcer la sécurité. Il a aussi critiqué les médias indiens, les accusant de diffuser de fausses informations sur le sort des hindous au Bangladesh. New Delhi a rejeté ces accusations.
Mais malgré ces appels, la tension persiste. En novembre, des heurts ont éclaté après l’assassinat d’un avocat hindou, déclenchant des affrontements entre la police et les partisans d’un moine hindou emprisonné pour outrage au drapeau. Après des années de répression, les islamistes se sentent plus libres de manifester.
Les minorités prises en étau
Pour Sumon Roy, de l’association des avocats hindous, les partis politiques « se sont servis » de sa communauté. Menacés à la fois par la Ligue Awami de Sheikh Hasina et le parti d’opposition, « ce cycle doit cesser » plaide-t-il. Selon un professeur de l’université de Dacca, seul un dialogue régulier entre le chef de l’État et les responsables religieux peut apaiser durablement les tensions.
En attendant, c’est tout un pan de la société bangladaise qui vit dans la crainte, redoutant de nouvelles attaques. Les fidèles musulmans soufis et les ascètes Baul sont aussi menacés par des islamistes qui les considèrent comme hérétiques. Un climat délétère qui fragilise la coexistence religieuse dans ce pays d’Asie du Sud.