La fermeture imminente de Marineland, parc emblématique d’Antibes réputé pour ses spectacles d’orques et de dauphins, sonne comme un véritable séisme dans l’univers des parcs animaliers français. Programmée pour le 5 janvier prochain, cette fermeture marque-t-elle la fin d’une époque ? Celle d’une certaine vision du divertissement, où l’exhibition d’animaux sauvages faisait le bonheur des visiteurs autant que le profit des propriétaires ? Retour sur ce tournant majeur et ses implications pour tout un secteur en pleine métamorphose.
L’héritage contesté des zoos marins à l’américaine
Lorsque Marineland ouvre ses portes en 1970, le concept est alors une petite révolution en France. Inspiré des zoos marins californiens, ce parc promet aux visiteurs un spectacle unique, où les stars ont des nageoires. Orques, dauphins, otaries : les numéros s’enchaînent pour le plus grand plaisir des petits et grands, conquis par la dimension féerique du lieu.
Ce sont les animaux qui ont fait le succès de Marineland.
Roland de La Poype, fondateur de Marineland, dans Nice-Matin en 2000
Mais derrière la success story se cache une réalité plus sombre. Dès les années 1990, des voix s’élèvent pour dénoncer les conditions de captivité des cétacés, leur dressage intensif et les risques pour leur santé. Le bien-être animal devient un sujet de société majeur, et Marineland se retrouve dans l’œil du cyclone.
Vers l’interdiction progressive des delphinariums
La pression monte au fil des années, jusqu’à ce que les pouvoirs publics s’emparent du dossier. En 2021, une loi visant à « lutter contre la maltraitance animale » est votée, sonnant le glas des delphinariums. Les spectacles de cétacés seront interdits dès 2026, de même que la détention d’orques et de dauphins.
Un couperet pour Marineland, qui n’a d’autre choix que de se réinventer en catastrophe. Le parc annonce la fermeture de ses portes dès janvier 2024 et le transfert de ses pensionnaires vers d’autres structures. Un crève-cœur pour les équipes, mais une victoire pour les défenseurs du bien-être animal.
L’heure de la reconversion a sonné
Au-delà du cas Marineland, c’est tout un modèle économique qui vacille. Partout en France, les parcs animaliers sont sommés de se réinventer pour survivre. Fini l’exhibition pure des bêtes sauvages, place à une approche plus pédagogique et respectueuse du vivant.
Certains ont pris le virage à temps, à l’image du parc Planète Sauvage près de Nantes. Depuis plusieurs années, cet ancien zoo mise tout sur la préservation des espèces menacées et la sensibilisation du public. Un pari gagnant, qui lui permet d’envisager l’avenir avec sérénité malgré la nouvelle législation.
Notre objectif est de faire de ce parc un centre d’excellence en matière de connaissance et de conservation des espèces. Les visiteurs ne viennent plus seulement pour se divertir, mais pour s’instruire et soutenir nos actions.
Pierre Caillé, directeur de Planète Sauvage, dans Ouest-France en 2022
Vers des parcs animaliers plus éthiques et durables ?
L’exemple de Planète Sauvage montre qu’un autre modèle est possible pour les parcs animaliers français. Un modèle où le bien-être des pensionnaires prime sur le spectaculaire, où la pédagogie remplace le dressage, et où la préservation des espèces devient un enjeu central.
Bien sûr, la transition ne se fera pas sans heurts. Il faudra du temps et des moyens pour transformer en profondeur des structures souvent vieillissantes, et convaincre un public habitué au grand spectacle. Mais l’urgence écologique et la prise de conscience sociétale ne laissent plus le choix : c’est une question de survie pour les parcs.
La fin de Marineland ne doit pas être vécue comme un échec, mais comme le point de départ d’une métamorphose nécessaire et enthousiasmante. Celle de parcs animaliers plus éthiques, plus durables, et résolument tournés vers l’avenir. Un défi immense, mais à la hauteur des enjeux du 21ème siècle pour la protection du vivant.